Investissement féminin moteur de l’investissement à impact – Femmes Business Angels

#GED #ESSEC #2023 – 13 mars 203

Notre vision commune des travaux de Femmes Business Angels – WINDAY, 21 novembre 2022

Avec Anne France Arnoux

Femmes et leadership ont longtemps raisonné dans les esprits comme des oxymores. Et puis des lois sont venues imposer des quotas … Et puis les choses peu à peu ont bougées…

Ce qui autrefois semblait impossible s’impose aujourd’hui comme une nouvelle donne. Ces deux oxymores sont devenus des alliés, imposés certes au début, mais qui depuis peu se déploient comme une évidence, tandis que le développement durable est devenu la priorité économique. Deux oxymores au féminin semblent subsister : Femmes et Investissement.

Pourquoi ce retard ? (1) Et comment le combler (2) ?

1 – Le constat

Aujourd’hui les femmes sont moins nombreuses que les hommes à oser investir.

Récemment la société BlackRock a réuni les résultats de plusieurs études menées en Europe pour analyser le rapport des femmes aux placements financiers.

Il en ressort majoritairement une volonté d’investir (chez 60% des européennes) mais une hésitation à franchir le pas (elles sont seulement 18% à placer leur argent).

Les européennes ont plutôt tendance à faire preuve de prudence et préfèrent encore la sécurité de l’épargne (79% d’entre elles, notamment par peur du futur et volonté de conserver de l’argent pour leur retraite en moyenne inférieure à celle des hommes).

Elles sont aussi facilement en proie aux doutes face aux choix qu’elles pourraient faire, à leur capacité à comprendre ce monde, et considèrent qu’elles ne disposent pas d’un capital suffisant pour commencer à investir. Les femmes qui investissent font ainsi majoritairement appel à des conseillers financiers (64% contre 48% chez les hommes).  

Globalement, les inégalités (de moyens, d’information) expliquent les fortes disparités qui existent encore entre hommes et femmes en la matière. L’investissement est une composante importante de l’autonomie financière et les femmes doivent être encouragées à prendre leur envol.

Retrouver la synthèse de BlackRock

Deux types de freins peuvent expliquer cette situation :

Les premiers viennent des femmes elles-mêmes et sont de nature psychologique : éducation, culture, syndrome de l’imposteur, dévalorisation de leurs capacités, manque de confiance, aversion au risque, poussent les femmes à une méconnaissance et un désintérêt vis-à-vis de l’investissement.

Les seconds exogènes viennent des fonds d’investissement eux-mêmes. Les PME & ETI entreprises dirigées par des femmes ou disposant d’une mixité satisfaisante (en nombre et fonctions exercées par chaque genre) dans leurs organes de direction sont encore sous représentées au sein des portefeuilles des fonds d’investissement. Cette situation semble persister alors que se multiplient les études illustrant les bienfaits d’une mixité harmonieuse dans les organes de direction sur les performances financières et extra-financières des entreprises.

2- Pour changer la donne quelles pistes  ?

  • L’étude de la société BlackRock précitée cite quelques solutions pour encourager l’investissement des femmes en europe.

Les plateformes d’investissement en ligne sont un outil qui se révèle utile puisque « le nombre de femmes qui s’inscrivent à une plateforme a été multiplié par 6 en une année ». L’investissement responsable est également un moteur puisque les européennes sont à 72% préoccupées par le caractère durable de l’investissement.  

A l’origine, l’objectif de ce réseau était de regrouper les « rares » femmes présentes dans l’univers financier traditionnel des Business Angels pour promouvoir le rôle actif des femmes dans l’économie, et plus spécifiquement dans l’entrepreneuriat. Premier réseau féminin en Europe, FBA réunit 170 femmes, âgées de 50 ans en moyenne, qui investissent individuellement et accompagnent des startups en démarrage ou en développement, portées par des hommes ou par des femmes. Leur mission est « de financer et d’accompagner la création et l’émergence de startups innovantes et à fort potentiel, sur la base de critères alliant performance économique rentabilité, mixité et impact » (Catherine Abonnenc, Vice-Présidente de FBA).

Le WINDAY premier forum de l’investissement féminin  

Dès 2017, FBA a créé le premier forum de l’investissement féminin, le WINDAY, afin d’inciter les femmes à s’impliquer dans l’économie réelle. A l’occasion de la 3ème édition du forum en 2020, FBA a présenté son 1er Livre Blanc sur l’investissement et l’actionnariat comme leviers de la réussite économique des femmes, suivi en 2022 par un 2nd Livre Blanc.

Le 1er Livre Blanc avait été l’occasion de dresser plusieurs constats :

  • Très peu d’études existent concernant l’investissement féminin ;
  • Les femmes sont largement sous-représentées dans l’actionnariat et l’investissement ;
  • Pourtant, elles constituent un véritable levier pour le dynamisme entrepreneurial et pourraient soutenir le développement d’une économie plus inclusive et durable.

Quels apport du second livre blanc?

Paru en novembre 2022, ce 2nd Livre Blanc fait état d’une situation qui évolue de plus en plus « sous l’impulsion des jeunes générations ».

Le réseau des investisseuses s’agrandit et se diversifie grâce à une nouvelle génération de femmes qui aspirent à prendre toute leur place.

3 axes de réflexion principaux ont été identifiés.

  • La nouvelle dynamique de l’investissement féminin

Les femmes témoignent d’un intérêt de plus en plus important pour la gestion de leur argent. Selon une étude de JP Morgan réalisée pour l’Europe, 3/4 d’entre elles épargnent régulièrement. Elles restent pourtant moins actives que les hommes en matière d’investissement. Cette inégalité est néanmoins en voie de résorption.

Les jeunes générations ont un intérêt croissant pour la détention d’actifs financiers (les 15-24 ans représentent 10% des détenteurs d’actions). Le développement des cryptomonnaies a également eu son rôle à jouer pour encourager les femmes à investir et 20% d’entre elles ont investi ou pensent à investir, contre 14% des hommes.

Par ailleurs, grâce à la multiplication et à l’accessibilité des sources d’informations, les femmes se renseignent davantage et deviennent de plus en plus familières aux sujets financiers.

  • Les femmes « game-changers » de l’économie durable

Selon une étude menée par le cabinet Coleman Parkes Research pour BNY Mellon Investment management en 2021, plus de la moitié des femmes, si elles investissaient, souhaiteraient investir dans des projets « alignés à leurs valeurs personnelles », et soutiendraient ainsi des sociétés avec un impact sociétal et environnemental positif. L’investissement des femmes pourrait donc s’avérer essentiel au développement de l’investissement « à impact ».

Les membres du FBA ont déjà de leur côté financé depuis 2010 4,9M€ dans 68 projets à impact. Ces projets ont également vocation à favoriser le développement économique régional en France.

L’intérêt pour les investissements responsables est corrélé à l’intérêt pour la création de fonds à impact qui sont eux aussi plus féminisés. Bien que les femmes y soient davantage représentées que dans les fonds plus classiques, leur proportion baisse toujours quand on monte les échelons de la hiérarchie.

Pour accélérer la transition vers la mixité, plusieurs engagements ont été pris ces dernières années. En mai 2022, le Pacte Parité a été signé par 69 entreprises, soit plus de la moitié du Next40/French Tech 120. Ce pacte permet de prendre 5 engagements importants :

  • atteindre un seuil minimal de 20 % de femmes siégeant au board de l’entreprise d’ici 2025 puis 40 % d’ici 2028,
  • former 100 % des managers sur les enjeux de la diversité et la lutte contre les discriminations et le harcèlement d’ici la fin de 2022,
  • garantir dès maintenant que 100 % des fiches de postes publiées par l’entreprise s’adressent aux profils autant féminins que masculins,
  • constituer une équipe paritaire de représentantes et représentants amenés à prendre la parole au nom de l’entreprise, en interne et en externe d’ici fin 2022,
  • mettre en place un accompagnement spécifique pour chaque salarié au retour de son congé parental, d’ici fin 2022.

Les entreprises sont de plus en plus proactives pour trouver des moyens permettant d’encourager les femmes à avancer dans leur carrière et à investir. Pour exemple le programme #ConnectHers mis en place par BNP Paribas en 2017 mis en place dans le but de soutenir l’entrepreneuriat féminin en France.

  • Quelles actions publiques et privées pour accompagner cette dynamique ?

Le manque de femmes investisseuses ralentit la dynamique de l’entrepreneuriat féminin.  Bien qu’en 2021 près d’un tiers des entreprises créées ont été créées par des femmes, elles font toujours face à des difficultés de financement bien plus importantes que les hommes ; « au global, un homme lève 1,6 fois plus et une femme 3,4 fois plus en s’alliant avec un homme plutôt qu’avec une femme ».

De même sur les 27 licornes françaises, une seule a été créée par une femme. Cette dynamique inégalitaire s’explique notamment par les difficultés rencontrées par les femmes pour accéder à des financements ; les femmes qui se lancent dans l’entrepreneuriat ont « 30% de chances en moins » que les hommes d’obtenir des financements.

La loi Rixain a créé un « dispositif BPI » qui conditionne l’octroi de financements en prêts ou en fonds propres au respect de l’obligation de publication de l’index de l’égalité professionnelle. La loi crée également un quota de 30% de femmes dans les comités d’investissement de Bpifrance et la publicité des membres des comités d’investissement (articles 16 et 17).

Ces éléments ont été évoques par la députée Marie Pierre Rixain, lors du Closing de la 14ème promotion du Women Board Ready le 20 octobre 2022.

Plusieurs initiatives favorisent l’investissement et la création d’entreprises au féminin :

  • Les plateformes de crowdfunding ;
  • Les plateformes d’investissement et de trading ;
  • Les medias et podcasts dédiés ;
  • Les offres de conseil et de formation ;
  • Les clubs de Business Angels.

Le second Livre Blanc fait état de différentes pistes de réflexions :

– L’introduction d’une obligation d’information des entreprises sur leur typologie d’actionnaires.

– La création d’un Index de l’actionnariat féminin en France.

– Le développement de campagnes de sensibilisation spécifiquement destinées aux femmes pour développer leur culture financière (réalisées par des collectivités, des institutions financières, des associations…).

– Le conditionnement d’octroi de fonds publics à destination des entreprises au respect de critères de diversité et de mixité par ces entreprises.

– L’amélioration du dispositif Madelin (réduction d’impôt sur le revenu grâce à la souscription de titres de capital) par l’introduction de nouveaux critères d’impact, de mixité et de diversité.

Bilan :

Si l’on en croit les chiffres publiés dans le second livre blanc la situation s’améliore : en 2020, sur les 5000 à 6000 personnes physiques qui investissent en France avec leur argent personnel, le pourcentage de femmes s’élevaient à seulement 10%. Ce chiffre est en augmentation en 2022 puisqu’il est aujourd’hui de 15% (Livre Blanc 2). Il reste qu’en moyenne, les femmes disposent d’un patrimoine de 15% inférieur à celui des hommes.