De la mixité à la diversité : une interpellation prioritaire des conseils en France

Focus sur 2 études réalisées respectivement par Diligent et KPMG – Quelques eléments avec la coopération de Laure Babinet, monitrice au CEDE-ESSEC

Grain de sel : Au-delà de la mixité, c’est désormais la diversité de profils et de compétences des conseils qui est interpellée, à juste titre en France où les organes de gouvernance demeurent encore marqués par un certain « entre-soi »

PS En Californie, depuis septembre 2020, les entreprises cotées en Bourse doivent réserver au moins un siège à un individu issu d’une « communauté sous-représentée » , quant au Nasdaq, il demande de faire en 2022 un reporting sur la composition raciale et de genre de leur conseil et, le cas échéant, d’expliquer pourquoi il n’est pas diversifié. Je sais, nous ne sommes pas aux #USA mais ca n’est pas neutre cependant. Ce sujet a d’ailleurs déjà été partagé sur ce blog , notamment une étude tentée par le Club XXIè Siècle et McKinsey & Company (@Sonia Sultan) qui documentait la diversité socio-culturelle des instances dirigeantes de quelques grandes entreprises françaises volontaires* https://gender.vivianedebeaufort.fr/diversite-instances-dirigeantes/

Parmi les résultats mis en avant par Batoul Hassoun (#ESSEC BS) lors d’une présentation organisée par le FIR** en janvier 2022 , j’avais retenu celui là : parmi les 800 cadres dirigeants (niveaux comités exécutifs et N-1) constituant l’échantillon les étrangers ont des parents provenant de CSP aisées pour 25% contre 65% pour les dirigeants français et 35% ont un diplôme inférieur ou équivalent à la licence, contre seulement 2% pour les cadres dirigeants français. Assez éclairant quant à notre problématique française non?

Or, pour répondre aux enjeux de compétitivité et d’ouverture internationale, les entreprises et les organisations françaises doivent apprendre à penser autrement la composition de leurs conseils et s’attacher à créer plus de diversité. 

Ces études de Diligent et KPMG, respectivement publiées le 12 et 13 septembre 2022, viennent établir d’utiles comparaisons entre la France et le reste du monde et font apparaître les réalités suivantes :

Une grande disparité de l’état global de la diversité et de ses évolutions à travers le monde

A noter : l’analyse comparée de l’état de la diversité au sein des conseils d’administration à une échelle mondiale est une première.

L’étude menée par Diligent cherche à répondre à cette question : Quel est l’état global de la diversité au sein des conseils d’administration et quelle progression a-t-on pu observer ces dernières années dans le monde?

1. Major dimensions of boardroom diversity: • Gender • Age and tenure • Skill sets and expertise • Race/ethnicity and nationality • LGBTQ+ status

2. Régions du monde : The Americas: United States, Canada and Latin America • Continental Europe and the United Kingdom • Australia • Asia: India, Japan, Malaysia and Singapore • Middle East (United Arab Emirates, Kingdom of Saudi Arabia) and Africa (Nigeria)

Le genre est sans surprise l’élément le plus défendu de la diversité dans le monde, la diversité ethnique au sein des conseils d’administration a beaucoup moins évolué. D’ailleurs , la plupart des pays ne documentent pas ou ne divulguent pas l’origine ethnique des membres des boards.

Selon des données tirées de l’étude réalisée sur quelques 6000 sociétés cotées (à date mai 2022) : 27% des sièges dans les boards dans le monde sont attribués à des femmes, contre 26% en 2021 et 22% en 2019.Mais la répartition est loin d’être égale en fonction des continents: la moyenne en Europe (incluant le Royaume-Uni) tourne autour de 31% tandis qu’en Asie, elle est à 14%. La France est by evidence du fait de l’effet quota, le pays où les femmes sont le plus représentées au sein des conseils: 42% des sièges occupés par des femmes, tandis que le record du pourcentage le plus faible est détenu par les Émirats arabes unis avec 8,9%.

De son coté l’étude menée par l’Audit Committee Institute de KPMG, sur la base des réponses de 700 administrateurs à travers le monde, montre qu’en France « la diversité des origines, ethnies et nationalités, mais aussi celles des expériences dans le domaine de la technologie et du numérique, continuent d’être prioritairement recherchées », parce qu’elles manquent !

Cette position est particulière à la France puisqu’à l’échelle globale la préoccupation d’une diversité de genre occupe la 4ème place sur 12 propositions, selon l’étude

L’étude de Diligent établit également un lien entre la présence de femmes au sein du conseil d’administration et une avancée pour la diversité sous d’autres formes.

Recherche d’Expertises en France
Recherche d’expertises dans le monde

Une diversification nécessaire

Des compétences

Diligent souligne que les femmes apportent des compétences plus diverses aux conseils d’administration, notamment en matière de RSE où ont en moyenne elles ont 3x plus d’expérience que les hommes, mais aussi sur des questions technologiques et juridiques. Elles sont clairement recrutées sur ces compétences dites nouvelles du fait des besoins des entreprises. Autrement dit l’entreprise va utiliser de la féminisation des conseils pour compléter les expertises manquantes. De fait, elles sont plus susceptibles que les hommes de venir de l’extérieur de l’organisation autrement dit il s’agit d’administratrices indépendantes ou externes.

Des profils

L’âge moyen de nomination au sein des boards a augmenté, passant de 61,5ans en 2019 à 62,6ans en 2021 (idem en 2022). Mais les femmes tendent à être nommées plus jeunes. En 2022, la moyenne dâge des femmes est de 60ans, contre 63,5ans pour les hommes.

En moyenne, les femmes exercent aussi des mandats plus courts que leurs homologues masculins et il existe également un écart au niveau du nombre de sièges détenu : les femmes sont presque deux fois plus susceptibles que les hommes d’occuper 3 mandats (19% d’entre elles contre 10% chez les hommes), phénomène qui s’explique par le vivier plus réduit de femmes prêtes à siéger dans un conseil du fait des différences de parcours et devrait diminuer au fur et à mesure que l’on s’ouvre à la notion de parcours plus divers puisu’on augmente alors la taille du vivier des profils.

Même si l’avantage compétitif que représente la diversité, qu’elle soit liée au genre, aux compétences, à l’ethnicité ou au milieu socio-culturel, n’est aujourd’hui plus à démontrer, des freins et des habitudes mécaniques de nomination persistent ; le besoin de diversité au sein des Conseils n’est pas encore identifié par 26% des boards en France et 28% dans le monde. Cette question n’y est pas encore perçue comme une priorité, or l’enjeu du « penser autrement » est pressant !

En savoir plus :

Étude réalisée par Diligent Institute : https://www.diligent.com/board-diversity-gaps/

Étude réalisée par l’Audit Committee Institute de KPMG : https://home.kpmg/fr/fr/home/media/press-releases/2022/09/diversite-au-sein-des-conseils-dadministration.html