Avancées dans la mixité des boards des entreprises UE – Chiffres d’Ethics and boards

« Même s’il y a de la diversité dans les niveaux inférieurs des entreprises, si elle ne se reflète pas tout en haut, au niveau des cadres supérieur.es, la qualité des prises de décisions sera amoindrie ». Mara Harvey, docteure en économie politique, souligne avec cette phrase l’importance capitale de la mixité dans les instances dirigeantes des entreprises.

De nombreuses mesures visent, depuis déjà plusieurs années, à encourager la diversité de genre (au moins) parmi les collaborateurs et collaboratrices des entreprises et au niveau de la direction : comités de direction (CODIR), Comex et conseils d’administration ; mais dans ces espaces de pouvoir, on peine encore à renouveller et laisser toute leur place aux femmes

La place des femmes dans les instances de direction des entreprises européennes – Data proposées, le 8 mars 2023, par Floriane de Saint Pierre dirigeante d’Ethics & Boards

On ne peut nier l’évolution dans la composition des entreprises : des femmes sont nommées, petit à petit dans les niveaux supérieurs de gouvernance des entreprises et les indicateurs sont en progression (diversité dans les conseils d’administration, dans les postes de direction, à la tête des entreprises…) , depuis une dizaine d’années. En Europe, le pourcentage de femmes dans les conseils d’administration est passé de 20,8% à 38,9% entre 2018 et 2023.

Mais cette moyenne recouvre des différences importantes.

Au-delà des chiffres, il est important de noter que les mentalités elles aussi changent. Cetté évolution progressive est en grande partie dû au fait que des femmes ont réussi à « grimper à l’échelle » et largement prouvé qu’elles méritaient leur place. Des classements comme le 40 Femmes Forbes mettent un coup de projecteur sur des « success stories » féminines, telles celles de Natacha Cambriels, directrice générale de Butagaz, ou encore Christel Heydemann, directrice générale d’Orange.

Toutefois, le déséquilibre ne se résorbe pas assez vite et les exceptions notables et remarquables que sont Catherine McGregor chez Engie ou Estelle Brachlianoff chez Veolia, ne changent pas le fait que le monde de l’entreprise en 2023, en France (et ailleurs) demeure largement masculin.
7% des PDG dans les entreprises européennes cotées en bourse sont des femmes.

En 2023, seulement 1/4 des postes de direction exécutive sont féminins.

Mieux (ou pire) : si plus de 30 % des équipes dirigeantes européennes comptent au moins 30 % de femmes, environ 18% n’ont aucune femme parmi leurs effectifs.

Comment aboutir à une gouvernance des entreprises équilibrée en termes de genre ?

Quota, quota et quota 🙂

L’intervention (tardive) de l’UE

La marche vers la parité n’est pas la même dans tous les pays européens. Comme souvent dans les sujets touchant à l’égalité homme-femme, les pays nordiques font figure de bons élèves. La Norvège reste un exemple avec un taux de mixité des Comex dépassant 30 %. La Finlande, de son côté, ne compte aucune entreprise cotée en bourse sans femme dans leur direction exécutive. A l’inverse, des pays comme l’Italie ou le Portugal ont plus de chemin à parcourir. En Italie, 13% des postes dans la direction exécutive sont occupés par des femmes, et le pourcentage de femmes PDG dans les entreprises cotées en bourse est de 0. De même , 53% des entreprises portugaises cotées en bourse ne comptent aucune femme au sein de la direction.


Et seuls neuf des vingt-sept Etats membres de l’UE ont une réglementation concernant l’égalité des genres dans les conseils d’administration.

Dés lors, le seul moyen d’accélérer la parité dans les instances de direction semble être la réglementation instituant des quotas.

En France, il est clair que les quotas imposés dans les conseils d’administration ont eu un effet d’accélération très concret. L’effet levier de la loi Copé-Zimmerman de 2011 a permis à la France de devancer aujourd’hui ses voisins avec 46,3% d’administratrices siégeant dans les conseils des sociétés du SBF 120.

La loi Rixain, votée fin 2021, fait de son côté avancer les choses, avant même la date prévue, pour les comités de direction: 30 % de femmes parmi les cadres dirigeants et les instances dirigeantes pour 2026, et 40 % en 2029.

Selon Ethics & Boards, il faudra nommer encore 56 femmes dans le CAC 40 et 133 femmes dans le SBF 120 dans les 4 prochaines années pour respecter l’objectif.

Ethics & Boards publie avec ecoDa le baromètre annuel de la Mixité des Instances Dirigeantes en Europe.:

Des mesures similaires ont donc (enfin) été prises au niveau de l’Union européenne avec l’European Gender Balance Law, évoquée ci-avant.

L’European Gender Balance Law

Lire aussi : Quotas dans les conseils des sociétés cotées Européennes : Directive Women on Boards

La majorité des grandes sociétés européennes cotées en bourse (51,2%) se conforment déjà à la European Gender Balance Law, adoptée en fin d’année 2022 après 10 ans de combat, et qui stipule que d’ici 2026, les sociétés cotées dans un ou plusieurs États membres de l’UE devront compter 40 % de femmes parmi les directeurs non exécutifs ou bien 33 % parmi l’ensemble des directeurs. Cette proportion du tiers n’a pas été choisie au hasard. En effet, selon les études du sociologue Moscovici, un minoritaire dans un groupe se suradapte tentant de faire disparaitre sa différence (donc n’apporte plus guère de diversité). A partir d’une proportion suffisante d’1/3 la minorité devient une minorité active.

Cette directive met en place une série de mesures

Pour synthetiser :

  • En présence de deux candidats de sexe opposé et à compétences égales, la préférence devra être donnée au candidat dont le sexe est le moins représenté au sein du CA ;
  • Les entreprises devront donner de façon claire au candidat non retenu les critères de sélections qui ont été utilisés dans le processus de recrutement ;
  • Les entreprises qui ne parviennent pas à atteindre les objectifs fixés par la directive devront établir un rapport expliquant cet écart et les mesures prises pour y remédier ;
  • Les sanctions prévues par les États-membres devront être suffisamment dissuasives et pourront aller jusqu’à l’annulation de nominations au sein du CA.