Rapport 2023 du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes-  Etat du sexisme en France

#GED #ESSEC #2023 – 8 mars 2023

Avec l’aimable participation d’Anne-France Saugnac

« Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » . Ces mots de Rabelais auraient pu figurer en tête du Rapport annuel 2023 du HCE (Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes) sur l’état du sexisme en France publié le 23 janvier 2023.

Sexisme en France

En effet, face aux inégalités entre les femmes et les hommes malgré un changement de perception qui transparait dans les résultats du baromètre sexisme dont est issu le rapport (1) le constat est tombé tel un couperet : le sexisme ne recule pas en France. Au contraire, certaines de ses manifestations les plus violentes s’aggravent et les jeunes générations sont les plus touchées (2) Ce constat touche toutes les sphères de la société et le monde du travail qui fera l’objet du présent zoom n’est pas épargné.

Ce paradoxe entre une prise de conscience pourtant avérée qu’il faut louer mais qui ne se traduit pas encore dans une nouvelle réalité ne doit pas pour autant décourager. Le changement sera long et les résistances nombreuses tant que le niveau de conscience n’atteindra pas les couches profondes dont sont issus les comportements. Mettre en lumière le sexisme pour mieux le combattre : telle est précisément l’ambition de ce rapport qui fait réfléchir et avancer ! 

I. CULTIVER L’OPTIMISME : LES AVANCEES INCONTESTABLES 

Dans le monde du travail les avancées en matière de droits des femmes sont indéniables. Des progrès ont été enregistrés en 2022 : des nominations significatives de femmes en politique et en économie (Présidence de l’AMF- Direction générale d’orange) l’entrée en application de la loi Rixain et l’extension des domaines de l’égaconditionnalité dans la culture. Dans le même temps la sensibilité de l’opinion aux inégalités et aux violences est de plus en plus grande même si les biais et stéréotypes de genre, les clichés sexistes et les situations de sexisme continuent dans le même temps d’être banalisés. L’opinion reconnait et déplore l’existence du sexisme mais ne le rejette pas encore ! En pratique …

Ce décalage entre perception, déclarations et pratique est à l’origine d’un manque de confiance important de la part des personnes interrogées à l’égard des pouvoirs publics pour lutter contre le sexisme et du constat de l’inefficacité des outils mis en place malgré les efforts consentis, manifestement insuffisants pour répondre à une situation qui s’aggrave avec des phénomènes nouveaux comme la virulence accrue sur les réseaux sociaux, l’affirmation d’une sphère masculiniste et antiféministe, et enfin des signaux manifestes de recul pour les droits des femmes notamment sexuels et reproductifs dans certains pays.

II. NE PAS DIFFUSER LA NAÏVETÉ : LE CONSTAT EST ALARMANT 

Alors que les inégalités entre les femmes et les hommes sont très majoritairement reconnues par l’opinion dans tous les secteurs, cela ne semble pas avoir d’effet concret ou immédiat sur l’évolution de la situation réelle des femmes comme en témoignent les chiffres suivants résultant de l’étude et propres au monde du travail  : 

  • 93% des participants à l’étude reconnaissent l’existence d’inégalités de traitement dans au moins un des sphères de la société (dont le travail)
  • Comme dans la première vague du baromètre les personnes interrogées perçoivent le monde du travail comme particulièrement sexiste 
  • 20% seulement estiment que femmes et hommes sont égaux en pratique
  • Il existe une polarisation du monde du travail : 37% des participants à l’étude reconnaissent avoir vécu des discriminations sexuelles dans leurs choix d’orientation
  • Certaines voies professionnelles s’ouvrent toujours difficilement aux femmes (les filières numériques et scientifiques) celles porteuses pourtant de métiers d’avenir tandis que les femmes sont surreprésentées dans les métiers précaires comme celui du soin dont les conditions de travail sont dégradées et les horaires atypiques
  • Pour 55% il est plus difficile d’être une femme qu’un homme dans la société actuelle
  • 80% des femmes ont déjà eu l’impression d’avoir été moins bien traitées en raison de leur sexe contre 37% d’hommes
  • Pour 46% des femmes le monde du travail est perçu comme particulièrement inégalitaire
  • 23% des femmes ont vécu un écart de salaire avec un homme à compétences et poste égal et
  • 13% ont subi une discrimination à l’emploi…

Ces quelques chiffres issus du rapport qui concernent la sphère professionnelle sont édifiants et expliqués par de nouveaux comportements chez les femmes tandis que l’on observe des réflexes encore très sexistes de la part des hommes. A titre d’exemples extraits du rapport : 

  • Un employeur qui embauche un homme plutôt qu’une femme à compétence égales n’est perçu comme un problème que par 67% des hommes contre 84% des femmes
  • Le mansplaining n’est perçu comme problématique que par 54% des hommes

En effet, cette persistance du sexisme conduit les femmes à des renoncements mis en lumière par le rapport telle une spirale infernale. Ainsi 9 femmes sur 10 affirment anticiper les actes et propos sexistes des hommes et adoptent des conduites d’évitement pour ne pas les subir. Ces comportements induisent une perte de confiance en soi des femmes et des conséquences concrètes sur leur vie professionnelle : 

  • 35% des femmes interrogées n’ont pas osé demander une promotion ou une augmentation. Les situations sexistes sont des « trappes » à bas salaire et expliquent en partie la persistance d’inégalités salariales sur le marché du travail
  • 15% des femmes ont redouté et renoncé à s’orienter dans les filières scientifiques majoritairement composées d’hommes.

III. NE PAS ABANDONNER POURSUIVRE ET METTRE EN PLACE DES ACTIONS 

Les dispositifs publics pour endiguer le sexisme sous toutes ses formes et protéger les femmes sont globalement perçus comme inopérants. Sont dénoncés dans le rapport un manque d’information et un manque de confiance envers les acteurs.

Face au constat préoccupant d’une société encore marquée par une culture sexiste et ses manifestations, il faut une réponse globale dit le rapport. Le HCE propose un plan d’urgence massif, qui s’attaque à la fois aux mentalités et à leurs effets délétères et qui propose des pistes d’améliorations pour des pouvoirs publics plus performants. 

Parmi les 10 recommandations de l’HCE pour un plan d’urgence de lutte contre le sexisme deux concernent directement la sphère économique et professionnelle : 

  • 4- Rendre obligatoire les formations contre le sexisme par les employeurs
  • 5- Généraliser l’égaconditionnalité et la budgétisation sensible au genre

Les autres recommandations ne sont certes pas directement liées au monde économique et professionnel mais visent à faire changer en profondeur les mentalités et comportements pour se fasse l’éveil de conscience qui conduira à un véritable changement. 

En attendant poursuivons ces changements et lisons Christian Bobin plutôt que les manuels scolaires « Tant qu’une seule femme sur la planète subira les effets du sexisme, la lutte des femmes sera légitime » ( Isabelle Alonso)

  


A propos des auteures

Viviane de Beaufort Docteure en Droit, professeure à l’ESSEC Business School, directrice du Centre Européen de Droit et Economie (CEDE-ESSEC) anile notamment le programme de recherches Women empowerment, Gender & Governance , personnalité qualifiée auprès d’organisations publiques et privées, référente Egalité F/H, fondatrice du Women Board Ready Exec. , Auteure de nombreuses publications. Référente sur les RS. Chevalier de l’Ordre du Mérite et la Légion d’Honneur.

ENGAGEE pour changer le monde!

AFS

Anne-France Saugnac

Experte en gouvernance d’entreprise, engagée sur la mixité intervenante dans le programme Women board ready Essec. Une longue expérience en droit des sociétés, en gouvernance, en conformité éthique, en gestion des risques et en responsabilité sociale des entreprises dans un environnement international lui permettant de découvrir par elle-même qu’une véritable entreprise durable doit être professionnelle, maisque cela ne suffit pas. Elle accompagne les entreprises en plaçant l’éthique et les personnes au centre.