Egalité femme/homme Education supérieure – #CGE en fer de lance

Dans education supérieure, l’égalité entre les femmes et les hommes est une question récente mais très importante désormais. Sa prise en compte s’est accélérée mais on part de loin au regard des actions menées sur la question dans les entreprises.

Chaque année, depuis l’élaboration de la Charte sur l’Egalité Femme/Homme[1] en 2013 par la CGE[2] (Conférence des Grandes Écoles) que les écoles sont invitées à signer est publié un baromètre « Égalité femmes/hommes[3]« , à l’iniative du groupe de travail Egalite Femme/hommes. Un tel outil prévu sur la base du volontariat permet de documenter l’état des lieux, les obstacles à la mixité qui perdurent et initier des objectifs communs ou individuels.

Les Grandes Ecoles sont comme d’autres organisations et peut être davantage (j’en explique les raisons ci-après) confrontées à des inégalités femmes-hommes tant en en matière de mixité d’orientation des diplômé.es, qu’en matière de promotion des femmes aux instances de direction et à la tête des établissements. Elles doivent en outre affronter un problème, désormais émergé et que nul ne peut mettre de côté celui du sexisme et VSS entre étudiants.

Il est intéressant d’évoquer aujourd’hui ce Baromètre puisque la loi pour une « égalité économique et professionnelle réelle » a été promulguée le 24 décembre 2021[4] et prévoit un index sur la mixité des grandes écoles.

Intitulé : index de l’égalité des chances entre les femmes et les hommes par les établissements d’enseignement du supérieur pour chacune de leurs formations. L’obligation de publier des indicateurs sur l’égalité a d’ailleurs été étendue aux établissements publics de la recherche. Les établissements scolaires disposant de classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) devront publier des statistiques relatives à la répartition par sexe des élèves.

Pour rappel :les écoles quelque soient leur statut juridique sont concernées par l’index Penicaud[5] sur l’égalité des salaires qui lui-même évolue en lien avec cette loi pour devenir plus précis et plus engageant ). Nombre d’écoles s’étaient spontanément saisies de ces questions, il y a plus ou moins longtemps, avec plus ou moins de moyens, avec plus ou moins d’engagement de la direction. Les actions de la CGE créent un effet d’entraînement, parce qu’il permet des échanges sur les difficultés et les processus testés, mais aussi car il crée une émulation entre écoles. Autrement dit le « women’s plus ou moins friendly devient argument d’attractivité.

Prenons les sujets un par un afin d’identifier les problèmes et tenter de mettre en face quelques leviers testés par les établissements. 3 items principaux ont été identifiés : la mixité des filières, la gouvernance égalitaire et la lutte contre les VSS. Trois « cailloux dans la chaussure » et des leviers pour avancer

L’orientation encore trop genrée de filières

Sus aux stéréotypes – encouragements et quête de sens La sous-représentation des filles dans les écoles d’ingénieurs demeure un problème en France, malgré une réelle mobilisation. Elle interpelle sur les processus amont de l’orientation en secondaire puis des bachelières, et plus largement sur l’éducation stéréotypée dès le plus jeune âge. Il ne s’agit pas de dédouaner le périmètre de l’enseignement supérieur, d’ailleurs je souhaite affiner le propos, car dans les écoles de management, si les étudiantes sont désormais en nombre, certaines filières d’excellence demeurent insuffisamment mixtes. Or, cela a une répercussion sur l’occupation des postes et les carrières en entreprises. Oui, il y a des leviers et de préférence actionnables tous en même temps. En voici brièvement quelques-uns : élaborer une cartographie genrée des filières, produire une analyse annuelle et travailler avec les équipes dont les formations sont insuffisamment mixtes ; agir sur les stéréotypes de genre en adoptant une communication non genrée sur les supports et lors des évènements ; former les personnels notamment les professeurs à leur rôle à l’égard des choix de carrière des étudiant.es ; mobiliser les jeunes alumna qui peuvent être des roles models et aident à se projeter, solliciter les associations de diplômées pour avoir des marraines ou mentors, proposer aux entreprises mécènes qu’elles fassent des interventions sur l’égalité FH en entreprise, At last but not least, montrer aux filles que la finance peut être durable, l’entrepreneuriat avoir un impact positif sur la société ou l’environnement, l’AI si elle est plus mixte créera moins de référentiels machistes… Autrement dit les motiver à y aller en leur montrant le sens car cette génération (garçons et filles confondus) y est heureusement sensible.

Féminisation de la gouvernance

 Comment gérer la question du pouvoir au féminin? En donnant le pouvoir de faire changer les choses ! De fait, les postes à responsabilités au sein des établissements sont encore largement masculins. Si les explications et les verrous concernant les entreprises en général sont valables pour notre secteur, il me semble qu’un facteur spécifique rend plus complexe encore la résolution de l’équation : quand on a choisi d’être professeur.e, c’est souvent parce que le pouvoir et l’argent ne sont pas nos moteurs mais plutôt le goût d’enseigner et celui de la liberté de pensée et de s’organiser. Or, dans nombre d’écoles, les postes de direction procèdent de candidatures et d’élections entre pairs. Peu nombreuses sont les candidates, souvent inappétentes ou effarouchées par un poste de direction. Je ne peux citer par souci de discrétion, nombre de collègues femmes qui m’ont consultée, hésitantes, parfois se lançant puis au 2eme round des élections renonçant. Mais je peux évoquer mon cas : j’ai refusé le poste de directrice de l’ESSEC Grande Ecole à une époque, pour un tas de raisons, la plupart mauvaises. Depuis, j’essaie de convaincre mes jeunes collègues d’y aller en arguant du pouvoir de faire évoluer les choses qui est un bon moteur chez les femmes soucieuses (sens du care) d’un monde plus inclusif.

Lutte contre les VSS –

Continuer à cicatriser les plaies La mobilisation est croissante et globalement, les écoles ont créé mais cela est récent des systèmes pour sensibiliser les étudiants, permettre des signalements, enquêtes et sanctions. Les partages réalises depuis 3 ans environ au sein de la CGE ou du mouvement #StOPe[6] semble démontrer partout une phase d’apprentissage et de tâtonnements, n’ayons pas peur de le dire de près de 2 ans puis un système assez complet se déploie toujours nanti des mêmes éléments : des référents professionnels missionés ,des ambassadeurs nommés au sein du staff et formés, une plateforme de signalement pour faciliter le recueil et traitement des plaintes, des conseils de juristes, parfois un suivi par des organismes spécialisés, l’intégration dans les cours de droit de ces notions pénales, des sensibilisations au  rôle de lanceur d’alerte de chacun, l’intégration dans des cours RH et management de travaux sur le sexisme etc. Mais aussi, et c’est crucial la mobilisation des associations étudiantes avec l’aide de l’école car les VSS interviennent, hors propos sexiste énoncé en cours, pendant leur vie d’étudiant : soirées et WE (la plupart du temps alcoolisés), mais aussi de plus en plus et sans contrôle possible sur les réseaux sociaux. La formation à leurs responsabilités des membres de bureaux des associations, l’exigence d’engagements pérennes des BDE, la nomination d’étudiants référents, la valorisation et le soutien d’associations dédiées: les #Heforshe d’Onu Femmes, l’exigence de bureaux mixtes, sont autant de leviers aptes à faire changer la donne. Ils ne dispensent certes pas l’école d’agir ; c’est un complément vital.

Après 13 ans de travail constant sur l’Egalité Femme/Homme et quatre en sus sur les questions douloureuses des VSS, une chose est à dire: chaque institution doit se donner des moyens financiers et du temps, mobiliser à la fois le personnel et les étudiants pour y arriver. Ces questions ne peuvent plus être l’apanage d’un petit noyau engagé. Nous devons passer en mode diffusion transversale par tous moyens dans la culture et le système de l’école. C’est un coût ! C’est une terrible exigence ! Mais un cas de VSS est celui de trop !

Nota : Le livre blanc de la CGE « égalité femmes – hommes : de la déclaration d’intention à l’expérimentation » (2020) offre un panorama intéressant des actions menées pour agir avec et pour les étudiantes et les étudiants à plus d’égalité entre les femmes et les hommes et je souhaite que la loi qui impose l’index relatif à la population étudiante permette à toutes de se saisir avec ambition du sujet.


[1] https://www.cge.asso.fr/themencode-pdf-viewer/?file=https://www.cge.asso.fr/wp-content/uploads/2017/01/20130128_CGE-CPU-CDEFI_Charte_Egalit%C3%A9_FH.pdf

[2] https://www.cge.asso.fr/

[3] https://www.cge.asso.fr/publications/2021-02-05-cp-egalite-femmes-hommes-dans-les-grandes-ecoles-la-cge-publie-la-6eme-edition-de-son-barometre/

[4] https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000044559192

[5] INDEX EGALITÉ FEMMES – HOMMES- Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 sur la liberté de choisir son avenir professionnel impose aux entreprises françaises de plus de cinquante salariés de produire un « Index Egalité Femmes – Hommes ». Résultat de l’ESSEC est  83/100 en 2021.

[6] https://www.economie.gouv.fr/initiative-stope#