Analyse du Global Gender Gap Report de 2025.

Une avancée structurellement lente : 68,8 % de l’écart comblé
Déjà en 2023, l’analyse du rapport (cf article publié à ce sujet en 2023 sur le blog) signalait une forme de plafond de verre mondial, avec un indice bloqué à 68,4 % et une projection à 131 ans pour atteindre la parité. L’édition 2025 du Global Gender Gap Report confirme un constat déjà établi dans les précédentes analyses : la progression vers l’égalité entre les sexes reste trop lente pour transformer les systèmes. L’indice mondial s’établit cette année à 68,8 % de parité atteinte, en légère progression de +0,3 point par rapport à 2024. Cette amélioration reste marginale à l’échelle des enjeux : 123 années seront encore nécessaires pour atteindre la parité totale si le rythme actuel se maintient.
Comme les années précédentes, les écarts varient fortement selon les quatre dimensions de l’indice :
- Éducation (Educational Attainment) : 95,1 % du gap comblé.
- Santé et survie (Health and Survival) : 96,2 %.
- Participation économique (Economic Participation and Opportunity) : 61,0 %.
- Empowerment politique (Political Empowerment) : 22,9 %.

Autrement dit, si les droits formels progressent (accès à l’éducation et aux soins), l’accès au pouvoir et aux leviers économiques reste profondément déséquilibré. Ce phénomène avait déjà été souligné dans les analyses de 2019 et 2023 : les femmes sont présentes dans les filières, mais peinent à accéder aux postes décisionnaires.
De 2024 à 2025 : une stabilisation fragile, quelques signaux positifs
L’évolution de l’indice entre 2024 et 2025 reste modeste : +0,3 point au niveau global. Cette hausse provient principalement :
- d’un léger progrès en représentation politique (+0,7 point),
- d’un gain en participation économique (+0,4 point).
En revanche, les sous-indices de l’éducation et de la santé, déjà élevés, progressent peu. L’écart le plus préoccupant reste celui du pouvoir politique, avec seulement 9 pays sur 148 ayant comblé plus de 50 % du gap dans ce domaine.
Cf figure 1.5 du Global Gender Gap Report ci-dessus.
Ce que révèle cette édition, comme les précédentes, c’est la résilience des inégalités systémiques : les avancées dans la loi ne suffisent pas si elles ne sont pas suivies d’une mise en œuvre effective. Le rapport souligne explicitement l’existence d’un « implementation gap », soit l’écart entre les standards juridiques formels et leur application concrète.
En Europe : une dynamique contrastée…

Avec 75,1 % de parité atteinte, l’Europe demeure en deuxième position régionale derrière l’Amérique du Nord (75,8 %). Les pays nordiques conservent leur avance structurelle : l’Islande, la Finlande, la Norvège et la Suède figurent dans le top 10 mondial.
Cependant, la progression européenne ralentit : si l’écart économique a reculé de 8,6 points depuis 2006, plus d’un tiers des économies européennes n’ont toujours pas comblé les trois quarts de leur écart économique.
L’Europe reste en tête en matière de représentation politique (35,4 % du gap comblé) mais présente une forte hétérogénéité selon les pays. Seuls cinq pays européens atteignent la parité ministérielle. Sur le plan éducatif, la région frôle la parité totale, bien que certaines disparités subsistent dans l’accès aux filières techniques ou scientifiques.
… En France : entre constance et plafond de verre
La France se maintient dans le haut du classement (entre la 15e et la 17e position selon les éditions), mais sans changement significatif. Elle affiche un haut niveau de parité éducative, comme c’était déjà le cas en 2019 (cf article du blog publié en 2019 sur le Global Gender Gap Index), et un certain rattrapage économique — mais reste en retrait sur le plan de la représentation politique, notamment au sommet de l’État ou dans les portefeuilles régaliens.
L’écart entre niveau de formation élevé des femmes et accès aux fonctions décisionnelles demeure prononcé. Ce phénomène, déjà analysé dans les articles antérieurs, illustre ce que l’on pourrait qualifier de « parité périphérique » : les indicateurs quantitatifs s’améliorent, mais les structures de pouvoir restent peu redistribuées.
📌 En conclusion : mesurer ne suffit plus
L’utilité du Gender Gap Index est indéniable : il donne des repères comparatifs et éclaire les leviers de progrès. Mais année après année, les mêmes constats se répètent. La stagnation politique et économique souligne les limites d’une approche purement statistique.
Le vrai défi n’est plus tant de produire des lois ou des dispositifs, mais d’organiser leur mise en œuvre, de transformer les normes de leadership et d’ouvrir l’accès aux sphères de décision. C’est à cette condition que la parité cessera d’être un horizon lointain pour devenir une réalité structurelle. Comme le rappelle Saadia Zahidi, « Gender parity is both a principle and a strategy ». Loin d’être une revendication sectorielle, l’égalité entre les sexes constitue un axe de performance systémique pour les entreprises comme pour les États.