Mixité, diversité, inclusion. Un engagement collectif sur des valeurs face au risque de l’ « entre soi » des élites en entreprise et en grande école

Grain de sel de Viviane de Beaufort :

En miroir de QUESTIONS DE MANAGEMENT – Regards croisés n°38- POUR DES ORGANISATIONS POST-COVID INCLUSIVES- Dirigé par Soufyane Frimousse et Jean-Marie Peretti – ISSN 2262-7030

La Mixité est le premier facteur de Diversité et la France et l’Union européenne ont adopté des politiques publiques ambitieuses en la matière ! Divers instruments incitatifs mais aussi des quotas assortis de possibles sanctions concernent désormais l’égalité femme/homme (lien loi Rixain) et tentent de repondre à une attente forte quant à une politique « Women friendly » en entreprise.

Mais en ce qui concerne les autres diversités qui se focalisent sur des minorités, la situation est plus contrastée. Un cadre spécifique a été élaboré pour accueillir les personnes en situation de handicap que les organisations décinent de manière plus ou moins proactive cadre qui porte ses fruits.

De l’entre soi des élites au phénomène communautaire

Si l’entre soi des élites est un problème d’équité, il constitue aussi un risque à terme d’efficacité, de capacité à innover, à prendre le virage des défis de demain. Longtemps demeurée masquée par notre idéal égalitaire républicain, la question, la diversité d’origine sociale (qui va souvent de pair avec l’origine: appartenance vraie ou supposée à une prétendue race, une ethnie ou une nation ; appartenance vraie ou supposée à une religion ; capacité à s’exprimer en français et /ou dans une autre langue que le français, etc.) déboule avec force en entreprise depuis quelques temps et interroge les pratiques de recrutement et de management.

Aujourd’hui, il et un fait c’est que les convictions et pratiques religieuses créent des clivages et déstabilisent le vivre ensemble laïque en France ; les communautarismes se développent et nécessitent une politique d’inclusion dédiée en entreprise qui n’est pas facile à élaborer, loin s’en faut.

L’idéal Républicain laïque et égalitaire, fondé sur la méritocratie, bat donc sérieusement de l’aile. Peut-on demander à l’entreprise de régler des problèmes que la société n’arrive plus à gérer à l’école ou dans nos villages et villes ?

Fondée ou non cette charge semble être celle des RH, confrontées à des revendications communautaires. Il semble à cet égard que le plus efficient soit (même s’il ne prémunit pas l’entreprise de toute difficulté) la définition commune avec le CSE, d’une Charte proclamant les valeurs éthiques partagées accompagnée d’un système d’alerte. telle que la propose l’AFMD

Mais si l’entreprise est amenée à se saisir de ces questions, qu’en est il de la formation et préparation des managers à celles-ci ?

Quel est le rôle potentiel des grandes écoles en la matière ?

L’expérience menée à l’Essec BS dont je peux témoigner est à cet égard intéressante.

Précisons deux choses avant d’aller plus avant: d’une part si l’éducation superieure se saisit de la question c’est en ayant conscience qu’en petite école, bien avant le bac, le travail n’a pas toujours été fait et que nous accueillons, malgré nous, des individus jeunes parfois non sensibilisés au vivre ensemble voire pire. D’autre part, même si nous faisons des efforts, de gros efforts, la tâche est lourde et longue et demeurer humble est requis.

Que faire ?

1. Jouer collectif à l’AFMD : voir le Kit de prevention des discriminations dans l’enseignement supérieur) et à la Conference des Grandes Ecoles au sein de la commission Diversité présidée par le DG Vincenzo Vinzi. Voir notamment le Livre blanc sur l’ouverture sociale

2. Suivre son chemin

L’école a également souhaite initié, il y a 4 ans désormais, une démarche adaptée à la culture particulière de l’école. Professeurs, collaborateurs mais aussi étudiants ont acté l’écriture collective d’une charte du Respect d’Autrui, l’application de celle-ci à toutes et tous et la mise en place d’un système d’alerte à partir d’une plate forme ou de contacts de visu avec des référents formés qui font remonter les incidents terrain. Une « jurisprudence » se crée pas à pas pour les cas qui, sans relever du droit pénal (VSS ou propos et comportement sexiste ou raciste) relèvent d’une zone grise et nous semblent non conformes aux valeurs de l’école.

Mais au-delà un travail de fonds est nécessaire et il prendra du temps car il s’agit de faire prendre conscience de l’intérêt de la diversité. Or, partout se rapprocher d’un autre « miroir » est un réflexe de confort qui détourne de la source d’enrichissement individuel, collectif, personnel et managérial que représente l’acceptation de l’altérité. Voir à ce sujet les travaux et l’ouvrage de Mai Lam: S’ouvrir aux différences, explorer l’intelligence inclusive.

Il a été acté que la diversité dans une équipe génère un coût de transaction : le temps requis pour la bonne compréhension du point de vue de l’autre qui n’a pas les mêmes références professionnelle et culturelles . C’est ce qu’évoque Vanessa Barros,alumna ESSEC, dans son ouvrage « Don’t Mess with My Professionalism: How to Resolve Conflict Across Cultures »

Plus l’entreprise se donne les moyens de limiter ce coût par des formations au fonctionnement d’équipes diverses, plus elle s’assure de la bonne intégration d’autres profils, plus elle disposera en son sein de talents divers œuvrant ensemble et sublimant les différences autour d’un objectif partage.

Une Charte sert à cadrer les valeurs collectives, les formations à les appliquer au quotidien.

Se doter d’une raison d’être peut d’ailleurs faire partie du dispositif comme objectif partagé par le capital humain. Entre autres contributions sur ce sujet d’actualité et de fonds voir les convictions et l’experience de Jean Noel Felli fondateur du cabinet Balthazar.

Raison d’être et mission

L’ESSEC a ainsi choisi pour raison d’être, un tryptique simple  » Enlighten, Lead, Change » qui reflète sa mission: donner du sens au Leadership de demain

Article dans https://www.cairn.info/revue-questions-de-management-2022-1-page-187.htm