Un pas de côté des Femmes Dirigeantes ? Women Board Ready ESSEC – Etude CEDE -ESSEC

Quelques enseignements de l’enquête “ Le Pas de côté des Femmes dirigeantes” menée au sein du Collectif alumnae #WOMENBOARDREADY Essec en 2021-2022

Cette enquête sert de base à un Working Paper du CERESSEC réalisé au CEDE au titre du programme Women Empowerment disponible ICI ou bien ici la HAL-ESSEC Archives ouvertes : « Y a-t-il un pas de côté de FEMMES DIRIGEANTES ? » Réflexion autour des moteurs de carrière et des choix professionnels de femmes dirigeantes en France

Enquête qui se poursuit avec des interviews permettant de creuser certaines des problématiques emergées dont l’équilibre des temps de vie, la rupture d’une modèle de carriere et d’accès au pouvoir sacrificiel , le besoin de sens , etc et fera l’objet le 1er mars 2023 d’un évènement dédié organisé avec l’ANVIE

Propos :

La posture a changé: elles questionnent, sont lucides envers le système, demandent à imposer leur propre vision et ont des idées claires qu’elles expriment enfin plus librement sur les changements requis. Elles réussissent ou non (mais tentent) et parfois décident d’un départ ailleurs, de faire autre chose, autrement. Parce que leur quête est essentiellement celle d’un job qui fait sens, leur permet de se réaliser, d’oeuvrer et pas seulement de gagner leur vie. Et moi qui suit, de longue date, le comportement des Millenniales (#GenY) pour des raisons assumées (ma fille) , je le vois dupliqué en pire ou en mieux 🙂 par la Z (ou 4 C (Créative, Collaborative, Confiante et Connectée aujourd’hui mes étudiants ), je ne peux m’empêcher de penser que si les femmes (et les hommes fatigués du système) rejoignent le mouvement, les entreprises qui ne revoient pas leur modèle de gouvernance et de management ont quelque souci à se faire !

Ces FEMMES disent: « Oui mais » – « A condition que  » voire « Non merci » … Elles font d’autres choix, trouvent d’autres voies ou simplement s’offrent le luxe de faire une pause et réfléchir. L’interpellation du système est patente.

POURQUOI UNE ENQUETE ?

Nous avons élaboré ce questionnement comme base de recherche sur un phénomène qui peu documenté alors qu’il questionne les organisations.

En France, la féminisation des postes et des instances de direction est accélérée par les quotas prévus par la loi Rixain dans les instances de direction. Mais elle est également scrutée par les financeurs comme l’ensemble de la politique d’Egalité Femme/Homme. C’est désormais un critère pertinent affiché pour recruter les talents: les classements plus ou moins  » Women Friendly », par exemple celui réalisé par Grant Thornton (Baromètre Women in Business 2022) ont des conséquences en termes d’attractivité et d’image employeur et des incidences sur la notation extra -financière (ESG). 

Rappel sur le « quota des instances de direction et cadres dirigeants » de la loi Rixain

On a beaucoup parlé des quotas et la loi Egalité économique et professionnelle dite loi Rixain en impose désormais. L’objectif des quotas semble sur le papier raisonnable, certains diront trop, d’autres le jugent inatteignable. La loi est promulguée depuis le 24 décembre 2021 et commence à produire ses effets étape par étape:

  • 1er mars 2022: publication annuelle des écarts de représentation entre les sexes parmi les cadres dirigeants – article L.3111-2 du Code du travail et parmi les membres des instances dirigeantes qui est exigée (article L. 23-12-1 du Code de commerce). La loi s’applique à toutes les entreprises, sans distinction de forme juridique à partir de 1000 salariés (sur 3 exercices consécutifs).
  • A compter du 1er mars 2026, pour ces entreprises la proportion minimale de personnes de chaque sexe au sein de chacun de ces ensembles ne pourra être inférieure à 30% (C. trav., art. L.1142-11) et 40% dès le 1er mars 2029.
  • Une sanction dont le montant est fixé par l’autorité administrative dans des conditions définies par le décret promulgué en fonction de la situation initiale de l’entreprise, des efforts constatés et de ses motifs de défaillance, dans la limite maximale de 1% de la masse salariale de l’année civile précédant l’expiration du délai entrera en vigueur en 2031.

* nota: instances, organes, groupements de mandataires sociaux mis en place par tout acte: les statuts ou pacte ou toute pratique sociétaire, aux fins d’assister régulièrement les organes chargés de la direction générale dans l’exercice de leurs missions, jouant un rôle dans la préparation ou l’autorisation de tout ou partie des décisions de gestion.

Dés lors, comment promouvoir des femmes et les faire entrer dans les entités de décision (CoDir, ComEx, et Board) ?

L’accès élargi des femmes aux instances de direction est en marche depuis quelques années et la loi Rixain va sans nul doute l’accélérer. Les entreprises se sont désormais saisies de cette question et avancent. Et ma question est toujours là même – celle qu’il y a 10 ans je posais quant à la nomination de femmes dans les conseils d’administration. Et elle est double : comment et pourquoi faire?

A propos du « comment » faire?

Les éléments de réponse sont là. Entre les quotas légaux ou les objectifs volontaires, les plans plus ou moins complets de promotion des femmes : mentoring, coaching, réseaux, CV à repérer autrement, et accès privilégié à des formations (non qu’elles ne soient pas compétentes, j’évoque ici les softs skills 🙂 ) , mais aussi des programme pour déconstruire les stéréotypes de genre en entreprise, de la clarté sur les processus de recrutement, de la transparence, de l’anticipation pour faire monter graduellement les talents féminins, Il y en a tant des choses à mener. Or, nombre d’entreprises vraiment engagées disent connaître des difficultés et les cabinets de recrutement confirment. Se passerait il quelque chose? C’est précisément la raison de notre enquête.

Je m’attarde sur le « pourquoi » faire?

Il ne s’agit pas d’une question sémantique : l’égalité entre femmes et hommes exige évidemment que celles-ci aient les mêmes chances d’accéder à ces postes de pouvoir. Mais il est un fait : ça n’est pas le cas, pas encore!

Alors dans notre monde en profonde mutation, j’interroge la capacité des femmes à être nommées  pour leurs compétences et attendues, mieux espérées pour les qualités qu’elles ont pu/ dû développer du fait de leur situation de minoritaire ( voir mon étude « femmes et pouvoir » entre autres et les études académiques «  Gender » publiées depuis dix ans). Leur conscience peut être plus affûtée de la nécessité de procéder autrement, de valoriser le capital humain, d’être plus « citoyenne du monde » doit permettre de jouer un autre jeu

Aujourd’hui l’interpellation du système est globale et tout le monde a plein la bouche du capitalisme responsable. Tout dépendra du jeu que jouera chaque individu et notamment les femmes pour que le concept de capitalisme inclusif et responsable devienne réalité.

Conseil bienveillant de femme senior à ces femmes de valeur: ne sacrifiez pas tout à une ambition de carrière, faites coïncider agenda personnel et agenda collectif, veillez avant d’accepter un poste d’avoir les moyens de réaliser la mission dont l’autonomie et la confiance.Soyez exigeante plutôt que reconnaissante d’être nommée et ne vous souciez pas d’être là parce que vous êtes une femme ! Ce sujet interpelle le système et concerne pas que les femmes loin de là !

Que nous raconte cette enquête ?

L’histoire d’une interpellation de fond sur le sens, sans doute largement accélérée par la pandémie et la crise et qui semble conduire  des femmes (comme le font les jeunes) à renoncer, non à leurs ambitions (au sens de leur idéal) mais au système classique. C’est de celà dont elles parlent dans l’enquête! Il y a 10 ans je me battais aux cotés de Marie Jo Zimmermann pour que la loi Copé/Zimmermann déploie tous ses effets et la formation Women Board Ready est une des actions que j’ai pu mener pour ce faire. Aujourd’hui certaines semblent chercher autre chose et notre collectif WBR peut jouer un rôle pour documenter ce phénomène de société qui interpelle les entreprises, prises au dépourvu face à des refus.

Quels RESULTATS? Quelques slides du PPT en teaser

Enquete pas de cote des dirigeantes menée au sein du collectif des Women board ready ESSEC
De l’étude Femmes et Pouvoir 2011 à l’étude Femmes et pas de côté 2021
Le défi de la féminisation des instances de direction

MON TRAVAIL ET MOI

L’activité professionnelle comme réalisation

Il m’est arrivé de dire non mais aussi OUI 🙂

Il n’y a pas tant de refus de promotions que çà globalement: 19% (toujours trop certes) mais ce qui interpelle, c’est que nombre de demandes de changement de postes (81%) semblent se heurter au mur et on atteint 44% de refus de nomination à des fonction executive – celles qui nous intéressent relativement à la loi Rixain!

Pourquoi un refus lorsqu’elles en décident ainsi?

Évidemment des raisons de famille et personnelles sont évoquées mais ce ne sont pas les motivations majoritaires…

Attardons nous un instant : j’avais un autre projet de vie 56% ; Syndrome de l’imposteur 36% ; Anticipation d’une charge de travail supplémentaire 28% ; Problèmes de Santé – 1 sur 5 (19%) c’est beaucoup) – Vie de famille: 44%.

La difficulté à accepter une mobilité géographique est notamment citée à 73%. Petit rappel : pour accéder à une fonction de dirigeante, cette expérience « ailleurs » a une importance. La question de la double carrière du couple interfère donc directement ici et une demande d’accompagnement par l’entreprise de l’expatriation proposée est clairement exprimée dans la suite de l’enquête.

Ce sont les raisons liées à un choc de valeurs qui interpellent et que nous avons souhaité mettre en avant. Motivations prégnantes peut être plus inattendues, tant les médias évoquent régulièrement les questions d’articulation carrière/ vie de famille et moins celles-ci:

Choc de valeurs

Alors que faut il modifier en priorité ? BAGUETTE MAGIQUE

C’est une combinaison de demandes relative aux valeurs réellement mises en œuvre, à une politique d’accompagnement tout au long du parcours professionnel qui est mise en exergue dans les commentaires libres. L’équilibre des temps de vie et l’égalité de rémunération y sont aussi exprimés comme des pré-requis.

La recherche de sens 

On a pour finir cherche à tester leur sentiment sur la cohérence entre le discours et l’attitude de l’entreprise au travers de 3 questions ouvertes.

  1. A vos yeux, quelle importance a l’exemplarité du/de la CEO?  96 réponses nos 2 verbatims 

C’est à mes yeux ce qui rend crédible toute la politique de l’entreprise. Elle ne se limite pas au CEO, mais à tout le Comex (et en dessous !)

Le ou la CEO se doit d’être inspirant, visionnaire et communiquant . C’est lui/elle qui donne l’impulsion et les valeurs de l’entreprise;

 2. Est-ce important une gouvernance de l’entreprise modèle et des objectifs clairs (en matière de représentativité H/F en particulier) ? 91 réponses nos 2 verbatims

Si la parité est affichée sur les murs sans se vivre pleinement au quotidien dans une équité de traitement à compétence égale, elle n’a aucun sens. J’ai la même approche pour toutes les valeurs « affichées » de l’entreprise.

La diversité / parité est source de création de valeur et de meilleure performance. L’entre soi rassure mais constitue plus un frein qu’une force

3. Avez-vous remarqué un décalage entre le discours affiché notamment sur la mixité et la réalité ? 86 réponses et nos 2 verbatims

Encore trop de recrutements internes peu innovants, sur la base du réseau interne des dirigeants, alors que les groupes mettent en place des programmes talent ou des viviers, ils ne les exploitent pas assez.

La communication ne fait pas tout, il faut aussi y croire vraiment et agir en accord avec ce qu’on communique. L’inclusion ne se décrète pas, elle se vit.

Plus de réponses? Dans le document d’étude ou sur demande auprès de Reda : mohamed.karkas@essec.ed

Ce sujet est à faire émerger, il interpelle le système et ne concerne pas que les femmes !