Comment recruter plus de femmes dans les espaces de direction ? Passez du recrutement isolé au recrutement structurel!

GRAIN DE SEL VDB à partir d’un très intéressant article d’ Angela SUTAN , récemment arrivée à l’ESSEC ce dont je me réjouis publié dans @HBR France le 23 octobre 2024.

« Les recherches sur l’égalité professionnelle mettent l’accent sur les différences de comportement dans la prise de décision et les quotas. Mais c’est le processus de recrutement lui-même qui devrait être repensé » A.S.

L’autrice se réfère plusieurs fois a Claudia Goldin, lauréate du prix Nobel d’économie en 2023 qui a beaucoup travaillé sur les « principaux facteurs de différences entre les hommes et les femmes sur le marché du travail ». Dans un discours à l’AEA évoquait la nécessité de changements sur la façon dont les emplois sont structurés et rémunérés pour améliorer la flexibilité temporelle. 

Ce qui m’intéresse tout particulièrement étant donne mes sujets d’engagement est la question de l’accès à ce que j’appelle la « dernière marche », autrement dit les fonctions de direction et les conseils d’administration ou de surveillance. Des lois imposant des quotas étant intervenues en France placent la France en très bon élève dans le monde (loi dite Cope/Zimmermann et loi Rixain ensuite). Mais il serait un peu trop facile de croire que le problème est derrière nous.

Il est à remarquer que dans les CA que les remplacements d’administrateurs ou d’administratrices, une fois le quota atteint, sont essentiellement masculins (il y a donc un problème potentiel de renouvellement) ; tandis que dans les CODIR/COMEX, l’effort entamé qui a permis d’accélérer la proportion de femmes nommées dans les grands groupes afin de se conformer à la loi pour 2026 et d’atteindre une proportion de 27,3% en 2024 selon le Baromètre d’Ethics & Boards. mais ça patine quelque peu me confient les recruteurs et des dirigeants proches de moi. voir à ce sujet l’étude annuelle de Michel Ferrary :

Ma collègue qui travaille en économie comportementale fait état du fait que les situations de compétition désavantagent les femmes (« Gender and Competition », de Muriel Niederle et Lise Vesterlund, Annual Review of Economics, 2011) . De mon côté, ayant travaillé sur le rapport des femmes au pouvoir dés 2012 et constaté plus récemment que certaines se détournent de ces espaces de pouvoir , il me semble que les situations de compétition pour le pouvoir peuventt expliquer, mais en partie seulement, leur relative rareté dans les espaces de dirigeance, malgré ces lois qui font levier pour les pousser vers ces fonctions.

L’autre facteur d’explication apparait être certaines qualités attribuées aux hommes et survalorisées dans les espaces de dirigeance : donc reprenons le sens de la compétition et le goût du pouvoir, mais aussi une  » capacité à travailler de longues heures sans contraintes liées à la famille », etc.

Angela a travaillé avec Sylvain Max, Frank Lentz et plusieurs autres chercheurs à partir notamment d’un test qui consistait à définir la composition de conseils d’administration de 11 membres en sélectionnant chaque membre individuellement. Il apparait que la perception de la diversité produit un effet d’ordre qui rend la sélection d’hommes dans les conseils d’administration plus probable pour les premiers membres choisis. Autrement dit, les décideurs ont tendance à recruter moins de femmes, même si elles sont aussi compétentes et expérimentées que les hommes, favorisant les candidats qui leur ressemblent (« Gender Diversity on Boards: The Appointment Process and the Role of Executive Search Firms », d’Elena Doldor, Susan Vinnicombe, Mary Gaughan et Ruth H.V. Sealy, International Centre for Women Leaders Cranfield School of Management Cranfield University, 2012). Ainsi, les premiers recrutés sont des hommes, et le rappel de la nécessité de respecter la diversité n’intervient que pour les derniers membres afin de compléter l’équipe du conseil.

Ces travaux sont étayés par les études réalisées sur les recruteurs : je citerai par exemple une étude de la DARES de 2021: «  Le sexe du recruteur a-t-il une influence sur le recrutement ? »

Il a également été constaté que lors de renouvellements d’un mandat, la tentation de le remplacer immédiatement, sans vision globale amène à une embauche prioritaire d’hommes par rapport à des femmes. Les stéréotypes poussant à croire qu’il serait plus disponible, plus compétitif s’intégrerait mieux à l’équipe existante s’imposent de nouveau (The Isolated Choice Effect and Its Implications for Gender Diversity in Organizations », Edward H. Chang, Erika L. Kirgios, Aneesh Rai, et Katherine L. Milkman, Management Science, 2020).

La recommandation des chercheurs est donc d’adopter une approche plus systémique : ouvrir plusieurs postes simultanément et confier les recrutements à différents comités organisés de manière collective, afin de modifier la manière même de recruter pour éviter la non prise en compte globale de l’équilibre de genre d’un conseil (ou d’une équipe de direction) du fait de l’intervention d’un biais de similarité (nous sommes plus enclins à faire confiance et à être influencés par les personnes et les idées qui nous sont similaires.)

https://www.hbrfrance.fr/strategie/pour-recruter-plus-de-femmes-passez-du-recrutement-isole-au-recrutement-structurel-60298