Activisme actionnarial engagé – quelle influence potentielle?

Encore balbutiant dans la culture actionnariale française, l’activisme actionnarial cherche à obtenir une influence sur le majoritaire (ou contrôlant) d’une entreprise par le dialogue ou désormais une exposition publique, notamment par la voie du questionnement: questions ciblées destinées à obtenir des réponses précises de la part des entreprises et les engager.

Si classiquement, l’activisme actionnarial se préoccupe de questions de gouvernance et de stratégie financière, on assiste aujourd’hui à la montée en puissance d’un activisme actionnarial sociétal (ou engagé) visant à faire progresser les grands groupes dans leurs engagements ESG (politique climatique et biodiversité, droits sociaux, mixité, etc.)

Le Forum pour l’investissement responsable (FIR) œuvre tout particulièrement pour encourager la prise en compte du développement durable dans l’investissement au niveau national et européen. Le FIR transmet ainsi notamment,depuis 2020 une série de questions écrites , lors des assemblées générales des groupes du CAC 40 afin d’obliger à mettre en lumière leurs positions sur des thèmes sociaux et environnementaux. Il s’agit de la campagne d’engagement.

La démarche du FIR comme initiative de questionnement de l’entre soi des conseils est vertueuse. 
Cette possibilité d’expression de l’engagement actionnarial d’actionnaires minoritaires sensibles aux enjeux de la RSE est particulièrement intéressante pour convaincre les grands groupes à progresser
et les publications dédiées du FIR constituent un instrument de mise en lumière des meilleures pratiques
Cette iniative s’inscrit dans un mouvement de fonds porté par d’autres acteur comme Phitrust et s’inscrit aussi dans un contexte légal et institutionnel (rapports de l’AMF et du HCGE 2022, modifications du code AFEP-MEDEF, proposition de résolution du Senat), societal ( dynamique forte des ONG), générationnel porteur.

En avril 2022 a eu lieu la 3ème campagne du FIR.

En amont de cette campagne, la 13ème Promotion du Women Board Ready ESSEC , dans le cadre du programme « gouvernance d’entreprise responsable  » du Centre de Droit européen et Économie , s’est penchée sur les travaux du FIR pour identifier des ajouts potentiels aux questions posées et aller plus loin sur la prise en compte des thèmes de vigilance abordés. Dans le cadre d’un dialogue avec le FIR, des améliorations au questionnement établi par l’organisation ont ainsi été proposées.

« Comment  améliorer les réponses (contenu , lisibilité et cohérence)? Mentionner  à la fin des réponses la localisation dans les rapports officiels afin de verifier plus facilement la corrélation. S’assurer de l’implication de la direction au plus haut niveau pour éviter  l’écueil de l’exercice de pure communication.

Mieux évaluer ? Tenter une segmentation sectorielle ? Prendre en compte des éléments externes comme les controverses , les rapports d’ong, le discours des dirigeants.

Parmi les questions posées réitérées parfois formulées autrement en 2022, nous avons choisi d’évoquer l’éthique de gouvernance ou la pratique éthique des affaires, sujet souvent moins encadré donc sujet à diversité de pratiques.

Un nouveau cadre légal encourage l’investissement à long terme des actionnaires et la transparence entre investisseurs et entreprises. Parfois le questionnement a comme support un ou des textes plus ou moins précis (teletravail, say on pay;), quotas mixite des codir et CA…) mais le plus souvent nous sommes encore dans un champs non normé precisement ou disposant de normes non onbligatoires et sujettes a nombre d’interpretations

Le plus gros risque auquel font face les dirigeants est sans doute le risque réputationnel du fait du « name and shame » et désormais des procès strategiques (ou orchestres) pratiqué par les ONG. Alors, comment l’activisme actionnarial amène les grandes entreprises vers une gouvernance plus éthique ?

Les groupes du CAC40 doivent se poser la question de l’éthique des affaires dans leur communication financière et extra-financière. La directive CSRD (reporting développement durable des entreprises) a introduit de nouvelles normes et obligations de reporting extra-financier pour 50 000 entreprises en Europe, sur des questions de durabilité dont la gouvernance et l’éthique.

Dans le champ de la gouvernance éthique, on intègrera spontanément:

  • les pratiques fiscales des groupes que les normes internationales peinent à encadrer du fait des diverses techniques d’optimisation.Le FIR préconise d’établir une Charte de responsabilité fiscale et de suivre les principes directeurs qui en découlent en s’appuyant sur les principes faisant autorité dans ce domaine : engagement en faveur des ODD, adhésion aux recommandations de l’OCDE, mention des pratiques fiscales que l’entreprise s’interdit, justification de l’activité économique des entreprises en cas de présence dans des paradis fiscaux…
  • Ensuite,ce sont les pratiques de lobbying qui sont pointées du doigt. Alors qu’un encadrement du lobbying existe en France et auprès de l’Union européenne, il mériterait d’être amélioré : le lobbying a en une importance de premier plan de fait de son influence sur la décision publique. Faire sienne les recomandations non obligatoires ainsi que déployer une Charte de lobbying responsable au sein de l’entreprise groupes et « éduquer » les collaborateurs est une pratique qui devrait être incontournable aujourd’hui.

Enfin en poussant l’exercice plus loin , nous avons considéré que font partie d’une gouvernance éthique les arbitrages sur les résultats: avec à un bout du prisme une rémunération « raisonnable » des dirigeants (notion qu’il est possible d’ appréhender avec la transprence découlant du « say on pay » et du ratio d’equite) et à l’autre bout: l’institution d’un salaire décent (ou suffisant ou de subsistance) par devoir de de solidarité au sein du groupe, en lien avec le devoir de vigilance (loi du 27 mars 2017 qui instaure l’obligation pour les grandes sociétés d’identifier les risques sociétaux tout au long de la chaîne d’approvisionnement et de production, et de mettre en place un plan de mesures préventives).

Pour conclure sur ces sujets qui demeurent des sujets de réflexion , on questionnere à notre tour sur les facteurs qui peuvent faire une difference dans la célérité d’une entreprise à repondre et correctement aux questions des investisseurs engages.  Des études peu nombreuses réalisées sur ces sujets*, j’ai tire trois idées

  • L’existence d’un cadre normatif clair qui permet de passer de la stricte compliance à une ambition proactive
  • La Réputation de l’entreprise (si il y a eu des controverses passée ou si il en existe, le souci reputationnel incitera à avancer et communiquer)
  • L’Engagement de la direction

Session du 25 janvier 2022: https://www.agefi.fr/gouvernance/actualites/quotidien/20230126/cac-40-ameliore-progressivement-transparence-357888

Table rondes CEDE-ESSEC et FIR 21 avril 2022 engagement actionnarial societal