Détails sur la Directive européenne sur la transparence et l’égalité des rémunérations 2023/970 -10 mai 2023

A transposer d’ici le 7 juin 2026.

Contexte 

Les gouvernements prennent les décisions sociales: réglementation des salaires,  retraite et l’âge de départ à la retraite, chômage,etc. Mais la directive sur la transparence des rémunérations s’inscrit dans le cadre des travaux menés par l’UE pour soutenir les États membres au moyen de textes et d’outils de coordination des politiques nationales, pour : promouvoir l’emploi, améliorer les conditions de vie et de travail, fournir une protection sociale adéquate et lutter contre l’exclusion sociale.Le droit à l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes pour un même travail ou un travail de même valeur est consacré à l’article 157 du TFUE et dans la directive 2006/54/CE sur l’égalité des rémunérations. La transparence des rémunérations entre les femmes et les hommes figure parmi les principales priorités de la stratégie de l’UE en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes 2020-2025. 

Le 4 mars 2021, la Commission européenne a présenté une proposition de directive sur la transparence des rémunérations.Néanmoins, la mise en œuvre et l’application de ce principe se sont avérées difficiles. 

La directive vise à contribuer à combler l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes dans l’UE. Les entreprises de l’UE seront tenues de partager des informations concernant les salaires, et de prendre des mesures en cas d’écart de rémunération entre les femmes et les hommes supérieur à 5 %.

L’écart de rémunération est de 13 % en moyenne dans l’UE en 2020.

Transparence des rémunérations 

Les nouvelles règles obligeront les employeurs à informer les demandeurs d’emploi du salaire de départ ou de la fourchette de rémunération initiale des postes publiés, que ce soit dans l’avis de vacance ou avant l’entretien.

Une fois en fonction, les travailleurs auront le droit de demander à leur employeur: des informations sur les niveaux moyens de rémunération, ventilées par sexe, pour les catégories de travailleurs accomplissant le même travail ou un travail de même valeur des informations sur les critères utilisés pour déterminer la progression de la rémunération et de la carrière

Les entreprises de plus de 250 travailleurs seront tenues de communiquer annuellement  à l’autorité nationale compétente l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes au sein de leur organisation. Pour les organisations de plus petite taille, l’obligation de communication s’applique tous les trois ans. En deçà de 100 salariés: pas d’obligation de communication (mais on imagine un effet de persuasion). Si le rapport révèle un écart de rémunération supérieur à 5 % qui ne peut être justifié par des critères objectifs et non sexistes, les entreprises seront tenues de prendre des mesures sous la forme d’une évaluation conjointe des rémunérations réalisée en coopération avec les représentants des travailleurs.

En cas de discrimination avéré, en matière de rémunération fondée sur le sexe peuvent recevoir une indemnisation, y compris le recouvrement intégral des arriérés de salaire et des primes ou paiements en nature qui y sont liés et  il appartiendra désormais à l’employeur de prouver qu’il n’a pas enfreint les règles de l’UE en matière d’égalité et de transparence des rémunérations. 

Élargissement du champ d’application

La discrimination intersectionnelle (la combinaison de multiples formes d’inégalités ou de désavantages, telles que le sexe et l’origine ethnique ou la sexualité, le handicap ) a été incluse

Rappels sur les notions de base 

Rémunération

La rémunération regroupe les salaires, les traitements ou tout autre avantage, payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l’employeur au travailleur en raison de l’emploi de ce dernier.Pour les composantes complémentaires ou variables, il faut tenir compte de toutes les prestations qui s’ajoutent au salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, que le travailleur perçoit directement ou indirectement, en espèces ou en nature. Ces composantes complémentaires ou variables peuvent comprendre, sans s’y limiter, les primes, la compensation des heures supplémentaires, l’indemnisation des déplacements, les indemnités de logement et de repas, l’indemnisation de la participation à des formations, les indemnités en cas de licenciement, les indemnités légales de maladie, les indemnités légales obligatoires et les pensions professionnelles.

Reporting

La Directive européenne sur la transparence et l’égalité des rémunérations prévoit un rapport sur les données relatives à l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes. Le texte s’applique aux employeurs du secteur public et privé et à tous les travailleurs qui ont un contrat de travail ou une relation de travail au sens du droit, des conventions collectives et/ou des pratiques, et s’applique aux candidats à un emploi 

Calendrier 

Pour les entreprises > 150 salariés le rapport à compter du 7 juin 2027. Ensuite, il sera produit tous les ans pour les entreprises d’au moins 250 salariés et tous les 3 ans pour celles employant entre 150 et 249 salariés qui devront produire le rapport à compter du 7 juin 2031

Evaluation conjointe avec les représentants du personnel

L’évaluation conjointe doit être effectuée avec les représentants du personnel lorsque :

  • Le rapport révèle une différence du niveau moyen de rémunération d’au moins 5%.
  • L’employeur ne justifie pas cette différence par des critères objectifs non sexistes.
  • L’employeur ne remédie pas à cette différence injustifiée dans un délai de 6 mois à compter de la communication des données.

Droits individuels à l’information

Les salariés pourront demander et recevoir par écrit une information sur leur niveau de rémunération individuel et sur les niveaux de rémunération moyens, ventilés par sexe, pour les catégories de travailleurs accomplissant le même travail ou un travail de même valeur que le leur.

Charge de la preuve 

Si un salarié établit des faits qui permettent de présumer de l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, c’est à l’employeur de prouver l’absence de discrimination. Les travailleurs qui ont subi une discrimination salariale fondée sur le sexe pourront :

  • Recouvrer intégralement les arriérés de salaire et les primes ou paiements en nature qui y sont liés
  • Percevoir une indemnisation pour les opportunités manquées
  • Recevoir la réparation du préjudice moral et de tout préjudice causé par d’autres facteurs pertinents (discrimination basée sur plusieurs motifs)
  • Percevoir des intérêts de retard.

Prescription

Conformément à la jurisprudence de la Cour de justice, il convient que les règles nationales en matière de délai de prescription pour l’introduction des recours pour violations présumées des droits prévus par la directive soient telles,qu’elles ne rendent pas pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice de ces droits. Il convient d’établir des normes minimales communes qui devraient déterminer le point de départ du délai de prescription, sa durée et les circonstances dans lesquelles il est suspendu ou interrompu et prévoir un délai de prescription d’au moins trois ans pour l’introduction des recours.

A noter que la législation française prévoit aujourd’hui, que la prescription de l’action court à compter de la révélation de la discrimination.

Sanctions

Le dispositif devra comprendre des amendes fixées sur la base du droit national qui pourraient être fonction du chiffre d’affaires annuel brut de l’employeur ou de sa masse salariale totale. La France est déjà dotée de dispositifs visant à favoriser l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et à supprimer les écarts de rémunération. Une mise en conformité de ces dispositifs est à prévoir 

Bilan anticipé: des +  et des –

  • attractivité et rétention des talents.
  • +rémunération régulée dès l’embauche.
  • +L’amélioration du climat social.
  • +moyen de lutter contre les discriminations.
  • +simplification dans la négociation salariale car elle rend les inégalités incontestables.
  • – charge de travail supplémentaire pour les DRH.
  • -Une remise en cause du fonctionnement et de la culture entreprise.
  • -Une mise en œuvre fastidieuse et un cout: chaque entreprise se dote d’outils de reporting et d’analyses, lui permettant d’avoir une connaissance très précise des rémunérations pratiquées en interne ainsi que des outils permettant d’identifier et mesurer de manière objective et neutre, d’éventuelles situations d’iniquité de rémunération.
  • -Des risques de réactions négatives des salariés.
  • -L’existence de politiques de rémunération inadaptées.
  • -La disponibilité et la qualité des données salariales.

Chronologie

15/12/2022 Accord avec le Parlement européen

06/12/2021 Le Conseil arrête une position commune afin de lutter contre l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes

04/03/2021 La Commission européenne présente une proposition de nouvelles règles de l’UE en vue de lutter contre l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes

13/06/2019 Le Conseil adopte des conclusions sur l’élimination de l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes

Décembre 2021 Le Conseil  adopte une position (orientation générale) sur la proposition de directive soulevant les questions suivantes :  

  • la proportionnalité et l’interférence avec les systèmes nationaux
  • l’augmentation des charges financières et administratives pour les employeurs (en particulier les micro et petits employeurs)
  • les candidats à un emploi
  • les voies de recours et l’application des droits et obligations liés au principe de l’égalité de rémunération, des dispositions trop détaillées risquant d’interférer avec les systèmes judiciaires nationaux
  • Proportionnalité et interférence avec les systèmes nationaux
  • Augmentation des charges financières et administratives pour les employeurs (en particulier les micro et petits employeurs d’où l’idée d’exempter les micro, petites et moyennes entreprises de certaines obligations 

 15 décembre 2022 Accord politique du Parlement européen et le Conseil, sous l’impulsion de la présidence tchèque

30 mars 2023 Le Parlement européen adopte la directive en plénière

24 avril 2023 La directive sur la transparence des rémunérations est adoptée par le Conseil 

Les pays de l’UE disposent alors d’un délai maximal de trois ans pour « transposer » la directive en adaptant leur législation nationale pour tenir compte des nouvelles règles.