Impact tourisme- « Aider les gens à voyager de façon plus responsable » Marine de Beaufort – Voy’Agir – JSS

Journal Spécial des Sociétés – Mercredi 26 février 2020 – N° 16 Special Droit, entreprise, écologie… Le tourisme dans tous ses états

« Notre objectif est d’aider les gens à voyager de façon plus responsable par tous les moyens possibles » Entretien avec Marine de Beaufort, fondatrice de Voy’Agir

Parce qu’il n’est pas toujours facile d’associer tourisme, écologie et engagement sociétal, Marine de Beaufort a lancé, en juin 2016, Voy’Agir, une plateforme collaborative qui répertorie des adresses responsables. Comment ce projet est-il né et comment fonctionne-t-il ? Entretien.

J’ai fondé officiellement Voy’Agir en 2016. Il s’agit d’une plateforme collaborative pour des voyageurs responsables. Pour valider mon Master en développement durable que je réalisais en parallèle de mon métier de consultante en système d’information, j’ai pris un congé sans solde et suis partie six mois pour réaliser une étude de terrain comparative sur l’écotourisme au Panama et au Costa Rica. Très vite, mon étude est au final devenue une critique des labels sur l’écotourisme, le tourisme durable, le tourisme solidaire, etc. Je me suis vite rendu compte qu’il était très compliqué de trouver sur Internet des établissements véritablement engagés. C’est ainsi qu’est née Voy’Agir.

Sur notre plateforme, chaque voyageur peut librement référencer une adresse non pas en la labellisant, mais en décrivant simplement les actions responsables qui y sont menées. Libre à chacun d’être responsable de ses choix et de juger si l’établissement est assez « engagé » pour y effectuer une réservation. L’idée est de responsabiliser le voyageur, plutôt que de se fier à un macaron collé sur la vitrine, sans en connaître les détails.

Quels aides et soutiens avez-vous reçus lors de sa création ? Lors de la création de Voy’Agir, mes associés ont été d’une aide précieuse ! Il y a mon compagnon Mathieu, développeur du site Internet, qui assure toujours la maintenance et le suivi des nouveaux développements. Anna, avocate, nous a aidés à créer la base juridique de la structure. Laura, spécialisée dans la communication des organisations à impact, aide sur la stratégie de communication, et Cécile aide sur l’aspect organisationnel. Enfin, il y a le soutien de mes deux parents, qui m’apportent leur aide sur l’aspect réseau, et des conseils financiers. Nous n’avons bénéficié d’aucune subvention, car lors d’une telle demande, il faut fréquemment la justifier avec appel à prestataire. Or, nous avions déjà les compétences en interne et avions surtout besoin d’aides pour développer Voy’Agir. Nous avons donc lancé une campagne de crowdfunding en 2017.

Justement pouvez-vous nous en dire plus sur cette campagne de crowdfunding (ou financement participatif) ? Cette campagne, qui avait pour objectif principal de nous permettre de développer la plateforme en
interne,
nous a beaucoup aidés : sur un objectif de 4 500 euros, nous sommes parvenus à récolter 11 000 euros. Nous avons ainsi pu poursuivre notre logique en continuant les développements en interne et en gardant le contrôle. Outre l’aspect financier, cette campagne nous a aussi offert une grande visibilité, permettant de multiplier par 5 le nombre d’utilisateurs et d’obtenir des articles dans des magazine et sur des blogs. Suite à ce succès, nous avons été approchés par plusieurs business angels intéressés pour réaliser une levée de fonds. Nous nous sommes toutefois rendu compte que cela oblige à renoncer à certains critères qui nous tenaient à cœur. J’ai fondé Voy’Agir non pour faire de l’argent, mais parce que je crois dans le tourisme durable. Le tourisme a longtemps été un moyen de développement pour certains pays, mais aujourd’hui, il est aussi devenu un fardeau.

Il peut toutefois redevenir un outil merveilleux pour leur développement, mais seulement s’il est développé de manière durable. Pour répondre à ce besoin, la plateforme devait rester entièrement gratuite, et ce n’était pas compatible avec les projets des business angels. Les 11 000 euros récoltés durant la campagne nous ont donc permis de faire ce choix, en nous laissant un peu de marge pour continuer dans ce sens.
Comme vous le disiez, la plateforme est collaborative.

Ce critère était-il important pour vous ? Comment cela fonctionne-t-il ? Cet aspect est même complètement inhérent au concept de Voy’Agir. Il est essentiel car sans ce critère, notre système s’apparenterait à celui d’un label, c’est-à-dire que nous deviendrions juges et parties, et ce n’était pas notre choix.

C’est aussi essentiel pour le développement de la plateforme, notamment à l’international, car cela permet de récolter un maximum d’adresses dans une multitude de pays. En outre, la participation de chacun est utile pour la mise à jour des avis, l’aspect collaboratif permettant d’assurer la fiabilité de l’information. La logique n’est pas d’associer un autocollant « responsable » à l’établissement, mais clairement de décrire les actions réalisées. Utilisation de panneau solaire, petit-déjeuner bio, tri des déchets… les données sont très concrètes et les actions sont vérifiables par le voyageur. Le collaboratif est à mon sens l’avenir et se développe dans de nombreux domaines. Enfin, comme le nom Voy’Agir l’indique, l’aspect participatif permet de rendre le voyageur actif et responsable de ses choix.

Activités, gastronomie, hébergement, shopping… votre plateforme répertorie de nombreux établissements, et ce dans le monde entier. Comment vous assurez-vous de leur engagement responsable ? Le but est de s’assurer des engagements grâce à la communauté. C’est elle qui confirme ou infirme les données. Toutefois, par le contrôle que nous avons lors de la validation des adresses saisies, nous nous assurons au maximum de l’engagement responsable des établissements. D’abord, en prenant connaissance de leur « politique » sur le site Internet et les réseaux sociaux de l’établissement ; en termes de contenu bien sûr, mais surtout en analysant la façon dont l’établissement communique sur son engagement et leur cohérence. Assurément, ces informations ne sont pas sûres à 100 %, mais demeurent des faisceaux d’indices pertinents et révélateurs. Dans le cas où le doute demeure, nous contractons l’établissement et/ou la personne qui a partagé l’adresse pour obtenir davantage d’informations.

De façon générale sur Voy’Agir, nous privilégions des descriptions claires avec des exemples factuels et précis qui sont plus facilement vérifiables.