Suez cherche une issue face à l’OPA hostile de Veolia – EURACTIV.fr

Le géant français de l’eau et des déchets Suez s’est activé lundi pour échapper à l’OPA hostile de son concurrent Veolia. La justice s’est saisie de l’affaire.

Trouver une « solution négociée » : voilà l’appel du président de Suez, Philippe Varin.« Nous ne pouvons pas accepter que Veolia veuille démanteler Suez, comme il le prévoit », a-t-il lancé sur Franceinfo. Ce nouveau round a commencé dimanche soir quand Veolia a annoncé lancer une offre publique d’achat sans l’accord de Suez, rompant son engagement précédent, et poussant ce dernier à saisir en urgence le tribunal de commerce de Nanterre. Celui-ci a ordonné tôt lundi matin à Veolia de suspendre le lancement de son OPA, dans l’attente d’un débat au fond sur ses précédents engagements d’amicalité.

Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a annoncé que le gendarme de la Bourse allait être saisi. « Cette offre n’est pas amicale et cela contrevient aux engagements qui ont été pris à plusieurs reprises par Veolia. Elle pose aussi des questions de transparence. Pourquoi est-ce que, subitement, cette offre a été déposée? Donc nous allons saisir l’Autorité des marchés financiers  », a-t-il déclaré sur Europe 1. Bruno Le Maire s’est également voulu conciliant, appelant « une nouvelle fois les parties prenantes à retrouver le chemin de la raison et du dialoque ». L’opération entre Suez et Veolia ne peut réussir que si elle est amicale. J’appelle une nouvelle fois les parties prenantes à retrouver le chemin de la raison et du dialogue. En ces temps difficiles, le capitalisme français ne peut pas être la guerre de tous contre tous. pic.twitter.com/lLg7vo7nqR (@BrunoLeMaire) February 8, 2021

Selon l’ordonnance en référé du tribunal de commerce, consultée par l’AFP, Suez devra délivrer une assignation sur le fond à Veolia, en vue d’une première audience le 18 février. La procédure, faite d’échanges d’écritures entre les parties, pourrait prendre un à trois mois.

Mais dans le même temps, Veolia a formellement déposé lundi matin 7 heure son offre auprès de l’Autorité des marchés financiers (AMF), affirmant n’avoir reçu avis de la décision de justice qu’à 07H23. « Nous l’avions déposée avant. Nous maintenons donc que notre offre est valable », a déclaré son PDG Antoine Frérot à la presse. Dans un avis publié en fin d’après-midi, l’AMF n’a rien dit sur le fond et s’est bornée à déclarer qu’elle « examinera(it) le moment venu la conformité du projet d’offre publique ».

« Le Trump du capitalisme à la française »

« Veolia passe en force », a déploré Franck Reinhold von Essen (CGT), de l’intersyndicale de Suez. « Dès que Frérot a vu une ouverture, il s’est engouffré dedans. C’est le Trump du capitalisme à la française. » Dans un marché mondial de plus en plus concurrentiel, Veolia veut créer un « super champion français » du secteur, et a lancé son offensive fin août. Le groupe a déjà acheté en octobre 29,9% du capital de son concurrent auprès de l’énergéticien Engie. Et il a justifié dimanche sa décision de lancer une OPA sur le reste des actions par le fait que « ses tentatives répétées d’amicalité se sont toutes heurtées à l’opposition » de Suez. Il propose 18 euros par action sur les 70,1% de Suez restant, soit une opération de 7,9 milliards d’euros (l’action Suez a perdu 0,52% lundi, à 17,17 euros à la clôture).

La direction de Suez, soutenue par les syndicats, s’oppose au projet, redoutant une casse sociale et industrielle. Elle s’alarme en particulier du sort de l’activité Eau, que Veolia devrait revendre pour respecter les règles de la concurrence. Mi-janvier, Suez avait fait état d’une proposition alternative de reprise par les fonds Ardian et GIP, appelant Veolia à dialoguer. Après des mois de guérilla judiciaire et d’échanges acerbes par médias interposés, Antoine Frérot et le directeur général de Suez, Bertrand Camus, se sont finalement vus vendredi. Mais les deux projets sont difficiles à concilier, entre fusion d’une part et maintien de deux groupes de l’autre.

La commission des affaires économiques du Sénat, qui a monté un groupe de travail sur ce dossier, a appelé le gouvernement à « imposer un cessez-le-feu et promouvoir une solution concrète ». L’État est le premier actionnaire d’Engie, qui était lui-même le principal actionnaire de Suez avant de vendre ses parts en octobre. Veolia les a rachetées, et attend désormais l’assemblée générale annuelle de Suez, prévue d’ici juin. Le groupe espère finaliser son projet de fusion d’ici 8 à 14 mois, après accord des autorités de la concurrence.

Lucie Duboua-Lorsch
https://www.euractiv.fr/section/economie/news/suez-cherche-une-issue-face-a-lopa-hostile-de-veolia/