La place des femmes dans le paysage de la création d’entreprise

by BPI France

Extraits à ma façon...

La contribution de l’entrepreneuriat féminin au développement économique et social de la société ne fait plus de doute. Pourvoyeuses d’emplois directs (le leur mais également celui de leurs salariés), de croissance économique et d’innovations, les femmes restent cependant moins nombreuses à entreprendre que les hommes dans la majorité des pays (GEM, 2017). 

L’Union Européenne s’investit dans ce domaine, percevant l’intérêt pour la compétitivité de l’Europe sur la scène mondiale (JANSSEN, 2016). Ainsi, différentes mesures ont été mises en place ces dernières années pour favoriser la création d’entreprises par les femmes : 

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La France se mobilise depuis longtemps…

La France fait partie des pays avec un faible taux d’entrepreneuriat féminin (part des femmes en âge de travailler – de 18 à 64 ans – qui sont en phase de démarrage d’une activité ou qui ont créé leur entreprise depuis moins de 3,5 ans).
L’estimation sur l’ensemble des créations d’entreprise (tous statuts juridiques confondus) porte à 32 % le taux des nouvelles entreprises de la génération 2014 dirigées par des femmes.En douze ans, la part des femmes parmi les créateurs d’entreprise en France a donc augmenté de 6 points.

Secteur d’activité *HommesFemmes
  Industrie48,451,6
  Construction97,62,4
  Commerce ; réparation d’automobiles et de motocycles63,936,1
  Transports et entreposage93,86,2
  Hébergement et restauration63,436,6
  Information et communication77,122,9
  Activités financières et d’assurance65,734,3
  Activités immobilières52,447,6
  Activités spécialisées, scientifiques et techniques53,946,1
  Activités de services administratifs et de soutien57,242,8
  Enseignement49,850,2
  Santé humaine et action sociale25,574,5
  Arts, spectacles et activités récréatives60,439,6
  Autres services aux ménages29,770,3
  Ensemble6139

Une revue des spécificités féminines entrepreneuriales

Au-delà des rapports au genre véhiculés par la Société (culture, éducation et institutions) qui influent sur les caractéristiques entrepreneuriales implicitement considérées plutôt comme des valeurs masculines (JANSSEN, 2016), et des préjugés de genre, conscients et inconscients, qui agissent sur toutes les parties prenantes d’un projet entrepreneurial féminin, que ce soit l’entrepreneure elle-même, sa famille, son entourage professionnel, etc. (ANDRIA, GABARRET, 2016), les différences entre homme et femme en matière d’entrepreneuriat se révèlent à plusieurs niveaux et les spécificités féminines sont nombreuses (ALEXANDRE, 2016) : 

  • La personnalité des dirigeantes. Elles sont souvent qualifiées de sociales, d’altruistes, d’humaines, d’éthiques et d’audacieuses. Elles sont davantage portées par le sens de la tradition et de ce fait, la gestion de leur projet et de leur entreprise est fortement influencée par des facteurs socio-culturels (dont la religion et les valeurs issues de l’enfance et de l’éducation). De plus, elles attachent une grande importance aux relations personnelles et au bien-être psychologique. 
     
  • Les motivations qui les poussent à entreprendre. Elles entreprennent plus fréquemment par nécessité, les motivations économiques n’étant pas prioritaires (ANDRIA, GABARRET, 2017). Par ailleurs, elles sont nombreuses à créer dans une activité qui relève plutôt d’une passion, ce qui conduit une grande partie d’entre elles à entreprendre dans un secteur totalement différent de celui dans lequel elles évoluaient précédemment (JANSSEN, 2016).
  • Une plus grande aversion au risque. La création est souvent vécue par les femmes comme limitant les risques au regard du contexte dans lequel elles se trouvent au moment de la création. Par ailleurs, certains aspects contextuels de l’entrepreneuriat (la flexibilité des horaires et du lieu de travail, la conciliation vie familiale et vie professionnelle, le soutien affectif et économique du conjoint, la pluralité des dispositifs d’aide à l’entrepreneuriat et la confiance dans leur employabilité) sont perçus comme une protection au risque et conditionnent ainsi le passage à l’acte (ANDRIA, GABARRET, 2016).
     
  • Les entreprises féminines sont surtout présentes dans les activités de services et le social. Comparées aux entreprises masculines, elles sont de plus petite taille en termes de salariat, plus jeunes et détiennent moins de liquidité.
     
  • Les performances des entreprises des femmes sont relativement moins élevées que celles des hommes en termes de chiffre d’affaires et de recrutement, mais aussi de rapidité d’expansion et de taux de croissance (JANSSEN, 2016). Elles ont des niveaux d’investissement moins conséquent.
     
  • Les femmes sont considérées comme ayant une bonne gestion de leur entreprise, prudente et économe. Elles ont le sens de l’épargne et préfèrent emprunter peu. 
     
  • Elles subissent des freins et rencontrent des obstacles liés aux préjugés et stéréotypes de genre
     
  • Les Femmes font preuve de leadership. Leur management est horizontal, participatif, plutôt démocratique, interactif, ouvert. Elles développent une relation de qualité avec leurs équipes et apportent une dimension plus humaine et plus sociale à leur entreprise.
     
  • L’équilibre vie de famille / vie professionnelle est souvent essentielle dans les projets féminins. D’ailleurs la flexibilité pour concilier les deux traduit la réussite, aux yeux de beaucoup de femmes, contrairement aux hommes qui placent davantage la réussite sur le plan financier et économique (ANDRIA, GABARRET, 2017). 
     
  • Les femmes ont un réseau professionnel moins étendu que celui des hommes. Elles privilégient le réseau informel et considèrent leur réseau familial et proche (conjoint, famille, amis) comme leur principal atout à l’inverse des hommes qui considèrent plutôt les relations professionnelles comme des atouts . Ces réseaux d’affaires sont plus accessibles aux hommes en raison des postes qu’ils occupaient avant la création de leur entreprise (SANTONI, BARTH, 2014).
    La spécificité du réseautage féminin est un important obstacle pour le développement de leur carrière, la création de leur entreprise et son développement, en raison d’un moindre accès au conseil, à l’information et au réseau institutionnel.
    Par ailleurs, l’utilisation du réseau pour les femmes, qui y voient une source d’inspiration, de modèle à suivre, est également divergente de celle des hommes, qui y recherchent du contact et de l’apport d’expérience.

 


Des spécificités qui tendent à s’effacer dès que l’entreprise prend de l’ampleur

Dans la littérature, se dessine un consensus quant aux spécificités de l’entrepreneuriat féminin et à l’hétérogénéité des profils qui composent cette catégorie d’entrepreneurs. S’il est loin d’être le plus répandu, un certain nombre de femmes ont un profil d’entrepreneur classique répondant aux définitions traditionnelles de l’entrepreneuriat par opportunité économique : elles vont s’orienter vers des entreprises de croissance dans des domaines industriels et technologiques (JANSSEN, 2016), traditionnellement plus masculins.
D’ailleurs, pour L. ALEXANDRE (2016), en réponse aux évolutions économiques et sociales de notre société, les entreprises des femmes se rapprochent de plus en plus souvent de celles de leurs homologues masculins (secteur d’activité, taille de l’entreprise, profits…).


Ces cheffes de file et leurs entreprises ont des profils identiques à leurs homologues masculins dans leurs ambitions, leurs aptitudes entrepreneuriales et dans le montant des investissements pour la création et pour le développement.

Toutefois, certaines spécificités féminines se retrouvent chez ces cheffes de files, notamment les sources de financement recueillies plus fréquemment auprès de la famille et des proches, et des besoins informationnels et relationnels plus élevés (experts, réseaux, accompagnement).
Les entrepreneures québécoises dans leur ensemble rencontrent plus de problèmes que les hommes pour financer leur projet, ont des projets moins ambitieux, ont une moindre tolérance au risque et un moindre sentiment d’efficacité. Toutefois ces caractéristiques féminines sont fortement impactées par l’importance des profil individualistes. En effet, pour les seuls profils de cheffes de file, les caractéristiques sont finalement identiques à celles des hommes ; elles affichent tout autant ces traits essentiels aux entrepreneurs que les hommes. Par ailleurs, elles sont aussi moins attachées à la conciliation vie professionnelle et vie familiale, sans pour autant négliger leurs enfants. 

Les travaux de T. LEBEGUE (2015) ont permis de mettre en avant les souhaits des entrepreneures en matière d’accompagnement. Elles souhaitent travailler avant toute chose à clarifier leurs aspirations avant de se questionner sur leurs ressources et leur environnement.
Dans la première phase du projet, dans son émergence, elles ont besoin de mener une réflexion personnelle contribuant à leur valorisation et au développement de leur légitimité. Pour autant, elles ne sont pas réfractaires aux apports techniques, elles sont demandeuses de formations spécifiques sur le métier d’entrepreneure et sur les compétences opérationnelles nécessaires à la gestion de leur entreprise ; mais elles doivent arriver au moment où les porteuses de projets sont prêtes à les aborder.

J. SANTONI (2018) explique également que l’accompagnement ne doit pas être centré sur les connaissances techniques indispensables à la gestion du projet et de l’entreprise. Il doit prendre en compte les caractéristiques propres aux individus accompagnés en tant que porteur de connaissances et producteur de comportements. Les entrepreneures souhaitent que leurs projets et aspirations soient respectés. Elles veulent aussi être encouragées et être mises au cœur de la démarche d’accompagnement. Elles ne recherchent pas dans leur conseiller un sachant mais plutôt un co-constructeur de leur projet. Elles souhaitent être aidées à la prise de décision, au montage du projet. Elles attendent que l’accompagnement leur fournisse des outils qui leur permettront d’apprendre à se positionner et à décider dans leur nouveau rôle d’entrepreneure.

L’accompagnement, selon les entrepreneures, doit se faire en amont et en aval de la création. Ce doit être un mixte entre des séances individuelles (accompagnement à leur rythme) et collectives (transmission d’informations générales, lieu d’échanges contribuant à l’enrichissement). Les échanges entre entrepreneures leur semblent indispensables pour aborder des problématiques propres à leur genre. La notion d’échange doit être au cœur du dispositif d’apprentissage.
Les entrepreneures sont confrontées à des motivations et des obstacles spécifiques qui justifient la nécessité de la mise en place d’accompagnements qui leur soit dédié.
J. SANTONI (2018) estime ainsi que l’adaptation de l’accompagnement au profil féminin ne doit être que partiel. Il est nécessaire, mais doit être complété d’un accompagnement mixte favorisant les échanges entre hommes et femmes.

Accompagner les entrepreneures, c’est les aider à faire aboutir un projet de vie. L’accompagnement doit aborder les implications d’une carrière entrepreneuriale aux niveaux personnels et professionnels afin qu’elles acquièrent des compétences comportementales pour y parvenir. Le soutien psychologique est donc incontournable pour le projet entrepreneurial, mais aussi sur la conciliation vie professionnelle et vie personnelle. Le soutien psychologique doit également être dirigé vers le conjoint (dont le soutien est une des clés du succès du projet) pour leur expliquer les conséquences du choix de leur partenaire, mais également leur donner les clés de soutien de l’entrepreneure.